Quand on pense éoliennes, on pense immenses hélices blanches plantées au milieu des champs de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve. Difficile de croire qu'on en trouve aussi... au coeur du Plateau Mont-Royal! Avenue du Parc, Hugues Leblanc produit sa propre électricité. Et ce n'est absolument pas rentable. Pour le moment.

Si une autre crise du verglas devait plonger Montréal dans le noir, une maison serait encore éclairée, au coeur du Plateau-Mont-Royal. Une maison coiffée de deux éoliennes fabriquées par Hugues Leblanc, un débrouillard qui a choisi de

produire sa propre électricité.

Les grandes pales grises sont invisibles de la rue, tout comme les trois panneaux solaires installés près des éoliennes. C'est dans le salon de ce trentenaire qu'on découvre le «système parallèle», comme il le nomme. Sur une étagère trônent trois batteries, une douzaine de prises et quelques appareils qui clignotent.

«En ce moment, je suis alimenté par le solaire et l'éolien. Si j'abaisse l'interrupteur, je me branche sur le réseau Hydro-Québec», montre M. Leblanc avec fierté. «C'est un système assez rapide, pour qu'il n'y ait pas d'interruption de courant.»

Les 100 watts produits quotidiennement sur le toit de l'immeuble à trois étages alimentent la télévision, le magnétoscope, l'imprimante, une chaîne stéréo ainsi que les lumières du salon et de la salle à manger. «Ça fait beaucoup d'installations matérielles pour peu de courant », dit-il en souriant.

Mais qu'importe le rendement, M. Leblanc ne cherchait pas l'indépendance énergétique lorsqu'il a commencé à s'intéresser aux technologies de production domestique d'électricité, il y a trois ans. «Je voulais juste essayer», explique celui qui n'estime pas être un militant écologique.

Lorsqu'il a acheté sa première éolienne chez Canadian Tire, il a vite constaté que peu d'électricité était produite. «Je me suis plaint à la compagnie, qui m'a répondu qu'elle n'était pas installée suffisamment en hauteur et que les câbles n'étaient pas assez gros. Ils m'ont sorti toutes sortes d'excuses.»

M. Leblanc revend donc rapidement son hélice et entreprend d'en construire une plus performante. Comme expérience en la matière, cet aide-infirmier en gériatrie a «un peu travaillé les motos» dans sa jeunesse.

En fouillant sur l'internet, il tombe sur des sites où des amateurs comme lui fournissent de nombreux tuyaux, qui lui permettent de bricoler deux éoliennes de deux mètres de diamètre.

Il profite également de ses recherches sur la Toile pour commander trois panneaux solaires à Miami, «car pour le même prix que ceux vendus ici, ils étaient trois fois plus puissants».

Si l'installation des trois panneaux n'a pas posé problème, il aura fallu un an et demi pour mettre au point ses éoliennes... Non sans quelques ratés, tels que des hélices qui se décrochent – sans causer de dommages, précise-t-il – ou un vent soufflant si fort, environ 80 km/h, qu'il a dû monter sur son toit, qui n'est accessible que par une frêle échelle. «Je croyais que ça allait arracher le toit!»

Pour surveiller en tout temps les deux éoliennes et les trois panneaux solaires, les images du toit sont retransmises en permanence sur la télévision de l'appartement, grâce à une caméra fixe. M. Leblanc appelle cela «le canal éolien». Mais depuis un an et demi, il n'y a plus de gros problèmes à gérer, assure-t-il. Tout au plus, quelques mécanismes à huiler.

Reste qu'après avoir investi près de 4000 $, ce bricoleur n'économise chaque mois qu'entre 5 et 10$, soit 10% de sa facture d'électricité. «Jamais je ne récupérerai mon argent ! Il faudrait multiplier l'installation par 10», rigole-t-il, avant de reprendre son sérieux et de dénoncer le faible coût de l'électricité au Québec, qui n'encourage pas le développement de l'éolien et du solaire, selon lui.

Vélos électriques

Ce qui rend Hugues Leblanc encore plus fier se trouve dans la pénombre de la salle à manger, où se côtoient machine à coudre, livres et multiples outils de mécanique. Mais ce qui attire surtout l'oeil, ce sont ces vélos drôlement bidouillés qui pendent du plafond, attachés à de larges chaînes.

«Quand le projet d'éoliennes et de panneaux solaires a été achevé, je me suis mis à faire des vélos électriques!»

Alors qu'il lui fallait 20 minutes avec un vélo ordinaire pour se rendre à l'hôpital où il travaille, M. Leblanc ne met plus que 8 minutes avec son nouveau prototype qui peut filer à 44 km/h pendant une heure.

«Si jamais tout flanche, qu'il y a une panne générale de courant et que la rue est sombre, et bien moi je continuerai à m'éclairer.» Et si son fameux « système parallèle» lui a coûté cher, son système de transport, lui, est complètement gratuit. Pas mal en ces temps où le prix de l'essence ne cesse de grimper !