Du skippeur en hypothermie réchauffé dans les bras d'un concurrent à Bertrand de Broc se suturant seul la langue, l'Odysée du Vendée Globe s'est nourrie de drames et de sauvetages héroïques, comme celui qu'ont entrepris les Australiens pour venir au secours de Yann Eliès, victime d'une fracture du fémur à 1500 km de la première côte habitée.

Dès la première édition en 1989, Loïck Peyron va réussir un exploit dont la vidéo d'anthologie traîne encore sur quelques sites internet. Abattu par une déferlante, le «Fleury Michon X» de Philippe Poupon s'est couché sur le flanc dans les 40e rugissants. Les organisateurs, sans nouvelles du skippeur, demandent à Peyron de se dérouter. Peyron trouve le bateau, accroche un cordage à l'avant puis, exerçant une traction avec son «Lada Poch», réussit à le redresser. Poupon est à bord, sain et sauf.

La deuxième édition, 1992-93, est frappée de deux disparitions. L'Américain Mike Plant disparaît en mer avant même le départ, alors qu'il ralliait les Sables d'Olonne. Après quatre jours de course, le Britannique Nigel Burgess passe par dessus bord. On retrouvera son corps au large du cap Finisterre, flottant dans sa combinaison de survie, grâce à sa balise argos passée autour du cou. Une grave blessure à la tête incite à penser qu'il a d'abord été assommé avant de tomber à la mer.

Points de suture

Mais c'est dans l'Océan Indien, le redoutable, que se déroule l'histoire qui va entrer à jamais dans la légende du Globe: Bertrand de Broc, victime d'un choc, s'ouvre la langue. A l'époque, c'est par fax qu'il communique avec le Dr Jean-Yves Chauve, à terre. Sur les conseils écrits du praticien, devant un miroir dentaire et sans anesthésie, il se fait lui-même plusieurs points de suture à la langue.

L'hiver 1996-97 sera le plus terrible de l'histoire de la course. Raphaël Dinelli est le premier à se retourner, le 25 décembre. Pendant plus de 36 heures, il s'accroche au bateau en train de couler, dans une eau glacée. Trempé, en hypothermie, il est récupéré le 25 décembre par le Britannique Pete Goss.

Pour le réchauffer sans provoquer de choc mortel, le Dr Chauve demande à Goss de prendre Dinelli avec lui dans son sac de couchage et de le réchauffer corps à corps pendant une douzaine d'heures. «C'est mon plus beau cadeau de Noël», dira Dinelli à son sauveteur.

Plongée dans l'eau glacée

Plus tard, et à quelques heures d'intervalle, Thierry Dubois et l'Anglais Tony Bullimore chavirent à leur tour. Le Français se réfugie à bord d'un canot de sauvetage et va dériver pendant quatre jours dans l'océan Indien démonté avant d'être hélitreuillé par la marine australienne.

Quant à Bullimore il se réfugie dans le noir d'un des compartiments étanches de son bateau retourné. Se nourrissant uniquement de chocolat et d'eau, blessé aux mains et aux pieds, il croit sa fin arrivée lorsqu'il entend soudainement, au cinquième jour, la miraculeuse sirène d'une frégate australienne, qui le pousse à quitter son abri pour plonger dans l'eau glacée et rejoindre ainsi le monde des vivants...

Un naufragé, cette année là, disparaîtra à jamais: le Britannique Gerry Roufs, qui a cessé de répondre au PC course. Isabelle Autissier, Marc Thiercelin, Hervé Laurent et Bertrand de Broc, sur zone, auront beau quadriller la mer dans tous les sens, le mystère ne s'éclairera que six mois plus tard quand l'épave de son bateau sera retrouvée au large des côtes chiliennes.

Les deux éditions suivantes, en 2000-2001 et 2004-2005, ont été épargnées par les mauvaises fortunes de mer.