De simple soldat du clan Violi, Moreno Gallo est devenu l'une des figures dominantes de la mafia montréalaise pendant qu'il était... en libération conditionnelle.

Mieux, il est aujourd'hui millionnaire, indique un rapport de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC). En liberté surveillée depuis 1982, le mafioso calabrais de 61 ans a vu ce privilège révoqué en raison de l'enquête Colisée, qui a décimé le clan Rizzuto en novembre dernier. Bien qu'il ne soit pas accusé devant le tribunal - le dossier est à l'étude, indique-t-on dans le rapport de la CNLC - Gallo est de retour en prison pour son «manque flagrant de transparence». En principe, il ne pourra sortir avant deux ans.

Selon les commissaires Constance Bennett et Paul Mercier, Gallo n'a pas changé d'un iota depuis son séjour en prison, de 1974 à 1982. «Votre arrestation nous démontre que vous n'avez pas plus de valeurs sociales qu'à l'époque», soulignent-ils, en rappelant les conclusions d'un psychologue qui l'avait rencontré au début des années 70.

Condamné à la prison à perpétuité pour un meurtre non prémédité, Gallo demeure sous la surveillance des autorités carcérales pour la vie. Depuis 25 ans, il a été rappelé à l'ordre à quelques reprises, mais sans grandes conséquences sur ses allées et venues, et encore moins sur ses activités illicites.

Selon la CNLC, il a fait de nombreux voyages à l'étranger, notamment en Italie, au Mexique et en République dominicaine, destinations prisées des trafiquants de drogue. Les autorités ont particulièrement resserré les contrôles après avoir perdu sa trace pendant un peu plus de deux ans, de novembre 1991 à avril 1994. Il a été contraint de se présenter quatre fois par année à son superviseur, au lieu d'une fois, comme c'est le cas de la majorité des détenus condamnés pour des meurtres anciens.

En 1995, en pleine guerre des motards, il a été interpellé à la sortie d'un bar où venait de se tenir une réunion des Rockers de Montréal, club-école chargé des basses oeuvres des Hells Angels Nomads durant le long conflit avec les Rock Machine/Bandidos. En 1997, ses agents de libération conditionnelle l'ont forcé à quitter la gérance d'un club de danseuses nues «appartenant à une famille influente de la mafia italienne», mentionne le rapport, daté du 6 septembre mais rendu public hier.

Bien qu'il soit décrit par la police comme un chef de clan de la mafia montréalaise, Gallo a toujours nié avoir des liens avec le milieu interlope. Placé par la CNLC devant les rapports de filature et d'écoute électronique produits dans le cadre de l'opération Colisée, il être «intervenu dans certaines querelles de territoire» entre les Hells Angels et des pairs italiens, mais seulement à titre de médiateur.

Dans les vidéos que la police a tournées secrètement au Club social Cosenza, quartier général du clan sicilien, on l'a souvent vu discuter ou remettre des liasses d'argent aux Nick Rizzuto, Paolo Renda, Rocco Sollecito et Francesco Arcadi. Devant la CNLC, il a aussi démenti les rumeurs voulant qu'il devienne le parrain par intérim de la mafia locale (acting boss, dans le jargon du milieu), en remplacement de Vito Rizzuto.

À en croire le rapport de la CNLC, Gallo et sa femme sont devenus riches grâce aux revenus d'une boîte de nuit qu'ils ont réinvestis dans des immeubles à logements. Toutes les propriétés sont au nom de la femme de Gallo, si bien que les agents de libération conditionnelle n'ont jamais pu examiner les livres comptables. «Ces avoirs totaliseraient plusieurs millions de dollars», notent les commissaires qui ont rencontré Gallo en audience le 26 juillet dernier.

C'est ainsi que, sous ses airs d'homme d'affaires, Gallo a continué ses activités illicites jusqu'à avoir «un statut important au sein de la mafia italienne», concluent les deux commissaires en ordonnant son maintien en incarcération.