Les partis de l'opposition accusent le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, d'avoir menti aux Canadiens en affirmant qu'Ottawa n'avait pas participé aux négociations entre les avocats d'Omar Khadr et ceux du gouvernement américain.

Des notes diplomatiques échangées entre l'ambassade du Canada à Washington et le département d'État, le 23 octobre dernier, montrent en effet que les deux administrations ont exprimé leur accord pour que le jeune Canadien emprisonné à la prison militaire de Guantánamo soit transféré au Canada dans un an.

Omar Khadr a été condamné dimanche et devra purger huit ans de prison pour avoir, en 2002, lancé une grenade qui a tué un soldat américain en Afghanistan. Il avait 15 ans à l'époque.

L'entente prévoit qu'il pourra demander à être transféré au Canada après avoir purgé au moins un an de sa peine sous supervision américaine.

«Le gouvernement du Canada est enclin à considérer favorablement la demande de M. Khadr», peut-on lire dans la note diplomatique de l'ambassade du Canada.

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, s'est engagé hier à respecter cette entente. «Le gouvernement des États-Unis a accepté qu'Omar Khadr revienne au Canada et nous mettrons en oeuvre l'accord conclu entre M. Khadr et le gouvernement des États-Unis», a-t-il déclaré lors de la période de questions.

Les partis de l'opposition l'ont accusé d'avoir induit les Canadiens en erreur lorsqu'il a affirmé à plusieurs reprises que le gouvernement Harper n'avait pas eu son mot à dire dans les pourparlers visant à régler le dossier à l'amiable.

«Il a carrément menti», a accusé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

«Il n'y aurait pas eu d'entente si le Canada n'avait pas donné l'assurance qu'il accepterait de rapatrier M. Khadr», a renchéri le député libéral Ujjal Dosanjh, ancien procureur général et premier ministre de la Colombie-Britannique.

Mais le ministre Cannon a maintenu sa position. «Le gouvernement du Canada n'a pas participé aux négociations au sujet de la peine, a-t-il martelé. En fait, le procureur en chef du tribunal, le capitaine de la marine John Murphy, a répondu, lorsqu'on lui a posé cette question, que le Canada ne faisait pas partie de cette entente et que l'accord avait été conclu entre le gouvernement des États-Unis et la défense.»

Ujjal Dosanjh a répliqué que le ministre jouait sur les mots: Ottawa n'a pas participé aux pourparlers entre avocats, a-t-il concédé. «Mais il a négocié avec le département d'État.»

Dans l'entente, tant le gouvernement américain que le gouvernement canadien ont par ailleurs insisté sur le fait que le transfert d'Omar Khadr ne serait pas automatique. On peut y lire en effet que le prisonnier devra se plier aux formalités habituelles et présenter une demande en bonne et due forme, que le gouvernement canadien pourra accepter ou non.

Un comité de la Chambre des communes est d'ailleurs en train de réviser les critères dont se sert le ministre de la Sécurité publique pour évaluer ces demandes de transfert. Le projet de loi C-5, au stade de la deuxième lecture, propose d'ajouter des critères pour permettre au ministre de prendre sa décision et lui accorde une discrétion accrue.

Le gouvernement conservateur se plaint depuis longtemps que son prédécesseur libéral acquiesçait presque automatiquement à ce genre de requête.

L'avantage d'une telle démarche pour les prisonniers est notamment la possibilité de profiter du régime de libérations conditionnelles canadien. Omar Khadr n'y ferait pas exception: s'il était transféré ici, il pourrait demander sa libération conditionnelle après avoir purgé le tiers de sa peine. S'il ne l'obtenait pas, il serait néanmoins libéré automatiquement après en avoir purgé les deux tiers, soit un peu plus de cinq ans. Il aurait alors près de 30 ans et aurait été détenu depuis près de 15 ans.