Depuis que le gouvernement Charest a donné à deux ingénieurs et homme d'affaires de renom, Guy Saint-Pierre et Armand Couture, le mandat d'étudier le dossier du CHUM, des commentateurs ont remis en cause leur objectivité, compte tenu des liens entre ces deux hommes et la firme d'ingénierie SNC-Lavalin. On allègue que MM. Saint-Pierre et Couture sont en conflit d'intérêts parce que, si le site d'Outremont était choisi, SNC pourrait faire partie du consortium chargé de construire le projet.

À mesure que le débat sur le CHUM dégénère, l'usage de la médisance comme argument s'accroît, dans les deux camps. On ne discute pas de ce que les gens font ou disent, mais de qui ils sont et de leurs motivations supposées. Il est tenu pour acquis qu'une personne du monde des affaires fait tout par intérêt pécuniaire, qu'un politicien agit toujours par ambition, tandis qu'un leader syndical ne peut agir que pour la cause... Le gouvernement a commandé une nouvelle étude sur l'emplacement du CHUM; on peut certainement s'interroger sur le bien-fondé de cette décision. Cela dit, dans la mesure où il voulait disposer d'une nouvelle analyse du dossier, à qui le gouvernement devait-il la demander? Comme plusieurs des questions en jeu portent sur les coûts de construction, le choix d'ingénieurs familiers avec les grands projets coulait de source. À cet égard, la crédibilité de Guy Saint-Pierre (qui a été président de SNC-Lavalin, l'une des plus grandes sociétés d'ingénierie du monde) et d'Armand Couture (qui a dirigé les chantiers de la Baie-James et présidé les destinées d'Hydro-Québec) est inattaquable.

Bien sûr, les deux hommes ont travaillé chez SNC. En quoi cela diminue-t-il leur compétence? Les personnes qui disposent d'une grande expertise dans un domaine sont nécessairement au coeur de l'action. Ils ont dirigé des entreprises, des groupes de recherche... Ils ont des amitiés multiples, des liens et des intérêts. Et- mais ça, on ne le mentionne jamais- la plupart d'entre eux sont d'une honnêteté irréprochable.

Dans les coulisses du débat sur le CHUM, les procès d'intentions contre les fonctionnaires, les politiciens et les consultants se multiplient. Il serait de loin préférable de juger tous ces gens à leurs actes, plutôt que de mettre en doute leur bonne foi. Ce serait plus juste, et on risquerait moins de se tromper. Combien étaient certains que, bon libéral, ex-employé de Power Corporation, Daniel Johnson recommanderait le site Outremont? Surprise: M. Johnson tient mordicus à Saint-Luc!

Combien ont fait un lien entre l'appui donné au site d'Outremont par M. Jean Coutu et le fait que son groupe ait inauguré, à proximité, une de ses plus grandes pharmacies? Évidemment, personne ne s'est enfargé dans les «détails» suivants: le groupe Jean Coutu possédait déjà une pharmacie à cet endroit depuis 1991; la nouvelle pharmacie a été inaugurée en février 2004, plusieurs mois avant que l'idée du site Outremont ne germe dans le cerveau du recteur Lacroix.

Lorsque Guy Saint-Pierre et Armand Couture auront produit leur rapport, on pourra le décortiquer, et critiquer à sa guise les calculs, le raisonnement, les conclusions. Ce sera moins facile, mais plus profitable que d'attaquer sans raison leur réputation.