Explosives, les rencontres entre les agresseurs et les victimes ?

« Oui », répond sans hésiter la psychiatre France Groulx. Elle travaille à l'Institut Pinel, un hôpital psychiatrique à sécurité maximum.Elle est abasourdie lorsqu'elle apprend que les rencontres entre les détenus et les victimes se sont déroulées sans aide psychologique.

« Ces rencontres doivent être encadrées par des psychologues spécialisés dans les agressions sexuelles, dit-elle. Ils savent comment désamorcer une crise. Ces groupes-là peuvent être explosifs. »

« Il y a des risques de dérapage. Les traumatismes sont ravivés. Certains criminels prennent plaisir à parler de leurs agressions et les victimes peuvent être manipulées. Je ne vois pas quels bénéfices elles peuvent tirer d'une telle expérience. Ça me paraît risqué, je suis grandement préoccupée. »

Lorsque la Dre Groulx travaille avec des agresseurs sexuels, elle prend mille précautions. « Si l'un d'eux écrit une lettre à sa victime, lettre qui ne sera jamais expédiée, il est encadré par un psychologue », explique-t-elle.

Malgré ces lacunes, les rencontres entre les victimes et les détenus reçoivent la bénédiction du Service correctionnel du Canada (SCC), responsable des prisons fédérales.

Au Québec, les rencontres sont organisées par un organisme à but non lucratif, le Centre de services de justice réparatrice. Le SCC lui a versé 150 000 $ en subventions au cours des trois dernières années.

C'est ce Centre qui a chapeauté les rencontres auxquelles j'ai participé.

L'agente responsable du service de justice réparatrice au SCC, Édith Desnoyers, affirme que le Centre est compétent pour piloter de telles rencontres.

« Ils nous ont assurés que la formation des animateurs était adéquate », dit-elle.

Le Centre admet qu'il a été dépassé par la complexité du cas de Sylvia, une exception, tient à préciser la coordonnatrice, Rachelle Nolet.

« Sylvia était un cas très lourd et elle avait des attentes trop élevées, admet-elle. On a joué dans les plates-bandes des grands. »

Vers la fin des rencontres, Sylvia a appelé Mme Nolet. Elle avait besoin d'être rassurée. Mais Mme Nolet n'a aucune formation en psychothérapie. Elle est conseillère en orientation.

« Par contre, insiste-t-elle, j'ai été victime d'inceste. J'ai fait tout le chemin de la guérison ».