Brian Mulroney a agi de manière inappropriée en acceptant des dizaines de milliers de dollars dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre, a conclu lundi le commissaire Jeffrey Oliphant dans son rapport sur les relations d'affaires entre M. Mulroney et l'homme d'affaires Karlheinz Schreiber.

Comportement douteux, volonté de dissimuler des transactions, impression que «tout n'était pas régulier», accès inapproprié au premier ministre : M. Oliphant a eu des mots parfois durs pour décrire la relation entre les deux hommes vers le début des années 1990.

Mais comme le prévoyait son mandat, il a pris soin de ne conclure à aucune responsabilité criminelle ou civile. Il s'en est donc tenu au Code d'éthique de 1985, soulignant que M. Mulroney avait contrevenu à trois règles concernant les traitements de faveur et les conflits d'intérêts, réels ou apparents. Il a également formulé une série de recommandations visant à améliorer les normes en matière d'éthique pour les parlementaires, particulièrement lors de leur retour à la vie privée.

Tant le gouvernement que Brian Mulroney ont réagi en disant qu'ils allaient étudier le volumineux document de plus de 800 pages. Ce dernier a néanmoins précisé qu'il était satisfait de voir que le commissaire avait choisi de croire sa version des faits, jugeant qu'aucune entente commerciale n'avait été conclue avec M. Schreiber alors qu'il était toujours premier ministre.

«Je regrette sincèrement que ma conduite après avoir quitté mes fonctions de premier ministre ait soulevé des soupçons quant à la convenance de mes activités commerciales personnelles en tant que simple citoyen, a déclaré M. Mulroney par voie de communiqué. Je laisserai à d'autres la tâche d'évaluer l'ampleur des répercussions de ces événements. Pour l'instant, je suis tout simplement reconnaissant que ce malheureux chapitre de ma vie soit enfin terminé et que ma famille et moi puissions recommencer à vivre.»

Nouvelle enquête?

Le Parti libéral du Canada, de son côté, a réclamé une nouvelle enquête, plus large, afin de répondre à certaines questions laissées sans réponse dans le rapport. Avec le NPD, le PLC a aussi demandé au gouvernement d'entreprendre des procédures judiciaires pour récupérer les 2,1 millions de dollars versés à Brian Mulroney par Ottawa en 1997, lors du règlement à l'amiable du litige qui les a opposés dans l'affaire Airbus.

Dans son rapport, le commissaire Oliphant a déclaré que l'ancien premier ministre avait omis de répondre à certaines questions lors d'un interrogatoire mené dans le cadre de cette procédure judiciaire. «Que M. Mulroney tente de justifier son omission de faire une divulgation dans ces circonstances en affirmant que Me Sheppard n'a pas posé la bonne question est à mon avis manifestement absurde», a tranché Jeffrey Oliphant, lundi.

Mais le procureur de la commission, Richard Wolson, n'a pas semblé partager l'opinion des partis de l'opposition sur la nécessité de continuer à enquêter. «À un certain point, nous avons tous le droit en tant que Canadiens qu'il y ait une fin», a-t-il dit, rappelant que l'enquête de la GRC sur l'affaire Airbus avait duré huit ans et qu'aucune accusation n'en avait résulté.

Jeffrey Oliphant avait été mandaté par le premier ministre Stephen Harper il y a deux ans afin d'éclaircir la nature de la relation commerciale entre Brian Mulroney et Karlheinz Schreiber. Ce dernier avait affirmé dans le cadre d'une procédure judiciaire entre les deux hommes qu'une entente commerciale avait été conclue entre eux deux jours avant la fin du mandat de premier ministre de M. Mulroney. Dans les mois qui avaient suivi, ils s'étaient échangé plusieurs dizaines de milliers de dollars en coupures de 1000 $ dans des chambres d'hôtel de la région de Montréal et de New York.

>>> Pour joindre Hugo de Grandpré:  hdegrand@lapresse.ca