Les familles québécoises qui souhaitent parrainer un membre de leur famille immédiate de l’étranger ont récemment vu les délais de traitement de leurs demandes augmenter jusqu’à 40 mois. Ces délais sont de loin les plus longs des pays membres du G20.

La raison principale est l’imposition de quotas stricts pour le regroupement familial par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec (MIFI). Près de 40 000 familles de citoyens et résidents permanents québécois sont ainsi séparées de façon prolongée et se retrouvent dans le désarroi.

Je partage la détresse de ces familles. Je suis né et j’ai grandi au Québec. Je suis gastroentérologue et chercheur au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Chaque jour, je soigne avec compassion et expertise la population québécoise. Je forme les médecins de demain. J’ai rencontré ma femme d’origine russe aux Émirats arabes unis. Nous nous sommes mariés au début de l’année. Elle a commencé à travailler à l’âge de 16 ans et n’a jamais arrêté depuis, même pendant ses études universitaires.

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L’auteur et sa femme

À l’âge de 21 ans, elle a quitté seule la Russie pour se construire une vie meilleure et une carrière. Elle est débrouillarde, courageuse et travaillante. Elle apprend le français avec beaucoup plus de facilité que je n’apprends le russe.

Nous voulons fonder notre petite famille au Québec, où j’ai vécu toute ma vie. Cependant, aux yeux du gouvernement, notre couple ne mérite pas sa place au Québec. Nous devrons attendre trois ans et plus si nous voulons y vivre ensemble.

Il est difficile de justifier les raisons de ces quotas pour la catégorie du regroupement familial. Pour un gouvernement dont la priorité est l’intégration et la francisation de ses immigrants, notre catégorie n’est-elle pas idéale ? Les époux sont actifs et sur le marché du travail. Leurs enfants sont des travailleurs de demain. Pour s’intégrer au Québec, qu’y a-t-il de mieux que de faire partie d’une famille québécoise et francophone ? Nous assumons les frais et les moyens nécessaires pour intégrer nos familles dans nos logements existants au Québec.

Une source de stress psychologique et physique

Étant médecin, j’ai le devoir de dénoncer la détresse de ces familles. Cette situation inhumaine entraîne beaucoup de stress psychologique et physique. Le collectif multidisciplinaire et non partisan Québec Réunifié, qui lutte contre cette injustice, a réalisé un sondage auprès de 408 personnes en cours de parrainage au Québec, utilisant des outils cliniques validés : 97 % des répondants présentaient des symptômes dépressifs cliniques et 73 % présentaient de l’anxiété.

Cette détresse pourrait prédisposer à des problèmes de santé physique, tels que les problèmes cardiaques, digestifs et l’abus de substances. Le désespoir se fait de plus en plus ressentir.

Le MIFI doit comprendre qu’en matière d’immigration, il n’y a pas seulement une équation mathématique, mais avant tout des êtres humains, ayant chacun des atouts et des besoins. Ignorer cela met en péril l’intégration de tous les immigrants.

D’autre part, du côté d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), le silence est assourdissant. Pourtant, cette instance fédérale a le dernier mot en termes d’attribution de la résidence permanente au regroupement familial. Le MIFI et IRCC ont récemment été mis en demeure par l’avocat spécialisé en immigration Maxime Lapointe. Ce dernier exige que les demandes du Québec soient traitées dans des délais raisonnables, au même titre que dans le reste du Canada et la grande majorité des pays du monde.

La réunification d’une famille devrait être vécue comme une expérience heureuse. Malheureusement, au Québec, elle se vit comme une angoisse sans fin. Une intervention urgente doit avoir lieu pour renverser cette politique discriminatoire et pour redonner le droit aux Québécois de vivre avec leurs familles.

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