Depuis quelque temps, le ton monte autour de l’examen d’admission à la profession infirmière. On appelle à la mise sous tutelle de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), et on laisse sous-entendre que le taux d’échec est en cause dans la pénurie d’infirmières dans le réseau public.

Le président de la Fédération des cégeps, un avocat, parle de la « population québécoise qui est en attente de soins de santé » et des médias parlent carrément de « trahison » de la population québécoise. Je souhaite ici calmer l’hystérie qu’on semble vouloir mousser sur le sujet, et rétablir certains faits.

D’abord, le Québec n’a jamais compté autant d’infirmières inscrites au tableau de l’OIIQ. Jamais dans notre histoire n’avons-nous eu autant d’infirmières avec leur permis de pratique au Québec.

Ce que nos politiciens et certains journalistes appellent une « pénurie » de main-d’œuvre est, en fait, une pénurie de conditions de travail décentes.

Il n’y a pas de pénurie d’infirmières. La population du Québec paie le prix de décennies de négligence de gouvernement après gouvernement sur les conditions de travail des infirmières. On a normalisé de sous-payer et de maltraiter les infirmières au nom d’une « pénurie » qui est une catastrophe prévisible et évitable. Cela fait des années que les infirmières (unies sur cette question, peu importe leur diplôme) nous préviennent de cette catastrophe que nous vivons.

Négociations cruciales

Le débat sur l’examen d’admission à la profession distrait l’attention du rôle du Conseil du trésor, actuellement en négociations avec la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), le syndicat qui représente la majorité des infirmières et infirmiers du Québec. Si on veut réellement avoir un impact sur la « pénurie » d’infirmières dans le réseau, c’est là que des actions concrètes doivent être décidées.

La Fédération des cégeps ne défend pas le public, elle défend les cégeps et leurs programmes. L’OIIQ, comme tous les ordres professionnels, défend le public de ses membres. Il ne défend pas le public en général de n’importe quelle menace. Ni l’OIIQ ni la Fédération des cégeps n’ont le mandat de soutenir les infirmières dans leurs demandes de conditions de travail décentes, et ni un ni l’autre n’a comme mission de régler l’hémorragie d’infirmières du réseau public qui est la cause principale des problèmes qu’on observe actuellement en santé. Le débat qui les oppose ne change rien à la réalité que vivent des milliers d’infirmières. Les infirmières à qui l’on exige, sous la menace, de rester en heures supplémentaires, qu’elles aient un bac ou une technique, et qui songent probablement toutes à démissionner du réseau.

Ce faux débat qui positionne l’enjeu du baccalauréat en sciences infirmières comme étant une cause des problèmes du réseau est absurde.

D’abord parce que le baccalauréat n’est pas, actuellement, exigé comme norme d’entrée à la profession. C’est un débat sur le futur, pas sur le présent.

La question la plus importante demeure : à qui profite ce faux débat sur la norme d’entrée à la profession ? Ça me semble une diversion qui bénéficie surtout à ceux qui pourraient réellement agir pour retenir les infirmières et infirmiers dans le réseau public : et ces personnes sont au Conseil du trésor du Québec, en train de négocier les conditions de travail des infirmières du réseau public. De grâce, il faut garder notre attention sur ces négociations. C’est l’issue de ces négociations qui va déterminer si on se penche finalement sur les conditions de travail invivables que subissent les infirmières, ou si on va continuer à observer l’hémorragie sans aucune action autre que de se lamenter de la soi-disant « pénurie ».

1. Lisez Il faut faire toute la lumière sur l’examen de l’OIIQ 2. Lisez « L’Ordre des infirmières a trahi les Québécois »