Une demande d’action collective a été déposée ce mardi en Cour supérieure contre l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) et les nombreuses « failles » de son examen d’admission. C’est un diplômé en sciences infirmières ayant subi trois échecs consécutifs qui est derrière l’initiative.

Jason Aurélien, un jeune homme de 24 ans qui a obtenu son diplôme d’études collégiales en soins infirmiers en décembre 2021, affirme en effet avoir passé trois fois l’examen controversé en vain. Entre les mois de mars 2022 et 2023, il a obtenu des notes de 53 %, 32 % et 50 %, ce qui constituait chaque fois un échec.

Plus récemment, le mois dernier, en septembre 2023, M. Aurélien a de nouveau repassé un examen pour lequel il attend toujours un résultat. Son avocat, MFernando Belton, soutient que « pendant l’examen, son “corps [le] lâche, [sa] tête tourne, [son] corps est lourd, [il est] fatigué et plus capable de se concentrer” ».

On précise que les multiples échecs de Jason Aurélien à l’examen de l’OIIQ ont occasionné chez lui une « crainte de ne pas pouvoir obtenir le titre d’infirmier, un doute sur ses capacités personnelles et professionnelles », de la honte, de l’isolement, une baisse de l’estime de soi et un sentiment d’impuissance.

Il a même « pensé à plusieurs reprises abandonner la profession », explique-t-on dans la demande, évoquant les dépenses reliées à l’obtention de son titre professionnel. Sans celui-ci, le jeune homme touche en effet la rémunération salariale d’un candidat à l’exercice de la profession infirmière (CEPI), qui est moins élevée.

« Failles et fragilités »

Tout cela survient quelques mois après une enquête du commissaire à l’admission aux professions, qui avait révélé en mai que l’examen d’admission à la profession infirmière comportait plusieurs failles. Près de la moitié des étudiants en soins infirmiers (48,6 %) qui passaient l’examen pour la première fois en septembre dernier ont échoué à celui-ci.

« Notre enquête a révélé que l’examen de l’Ordre comporte des failles et des fragilités concernant sa validité, sa fiabilité et la détermination de sa note de passage », avait affirmé à ce moment le commissaire à l’admission aux professions, MAndré Gariépy.

Selon une simulation faite par son équipe, plus de 500 étudiantes auraient dû réussir plutôt qu’échouer à l’examen de septembre 2022. « Plus du trois quarts des étudiants trouvaient que les questions, les mises en situation et les choix de réponses n’étaient pas clairs », avait dit M. Gariépy en entrevue.

L’action collective réclame pour chaque personne qui s’y inscrira 30 000 $ à titre de dommages pour les préjudices découlant de « l’inaction » de l’OIIQ.

« Il y a une faute de l’OIIQ. On parle quand même d’un taux d’échec de 4 % en 2020 à 55 % en 2022. C’est extrêmement élevé », a fait valoir l’avocat MFernando Belton en entrevue avec La Presse. Il soutient que les rapports du commissaire à l’admission sont « sans équivoque sur plusieurs problèmes ».

Toutes les personnes « ayant échoué au moins une fois l’examen […] entre janvier 2021 et septembre 2023 » pourront s’inscrire à l’action collective, a précisé le cabinet de MBelton mardi. Il est possible de le faire en ligne. Un juge devra toutefois d’abord autoriser l’action collective pour aller de l’avant.

Tutelle ou pas ?

Dans les derniers jours, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a aussi évoqué qu’elle évaluait les recours juridiques à sa disposition, en se disant prête à réclamer des millions. La semaine dernière, la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) a de son côté réclamé une mise sous tutelle de l’Ordre, dénonçant sa « mauvaise foi crasse ».

C’est un plus récent rapport de MAndré Gariépy, paru au début du mois d’octobre, qui semble avoir accentué la pression dans ce dossier.

Dans ce rapport, le commissaire a jugé que le taux d’échec à l’examen ne pouvait s’expliquer par la pandémie, comme l’a déjà soutenu l’Ordre. Le taux d’échec découle « principalement des failles de l’examen », a-t-il plutôt certifié.

Jusqu’ici, l’Office des professions du Québec n’a pas forcé de tutelle à l’OIIQ, mais lui a imposé un spécialiste indépendant dont le mandat est de veiller à ce que les recommandations du commissaire soient appliquées. Ce spécialiste devra aussi procéder à un recalcul des résultats des examens de septembre 2022, de mars 2023 et de septembre 2023.

À l’Ordre des infirmières, la conseillère principale en relations publiques Marine Detraz confirme que son groupe a reçu la demande d’action collective. « Nos avocats se penchent sur cette demande, mais nous ne pouvons commenter davantage ce dossier qui est entre les mains de la Cour », s’est-elle limitée à dire.

Ce printemps, l’Ordre avait annoncé sa volonté d’écarter son propre examen pour adopter l’épreuve nationale américaine, la NCLEX-RN, utilisée dans plusieurs provinces canadiennes. À ce jour, l’Office des professions n’a toutefois pas donné son accord.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse