Le ministre des Finances Eric Girard disait la semaine dernière que les 5 à 7 millions attribués aux Kings de Los Angeles pour leur passage à Québec l’an prochain étaient « dans le bon ordre de grandeur » par rapport à ce que Québec accorde comme subventions aux « évènements sportifs et culturels ».

Ayant couvert les retombées économiques des festivals pendant des années pour notre cahier Affaires, j’ai été surpris en entendant ça. Mais le ministre a voulu faire la comparaison entre la venue des Kings pour deux matchs préparatoires et nos grands festivals qui attirent des touristes. Alors, comparons.

Dans notre belle capitale nationale, le Festival d’été de Québec a reçu 1,9 million de dollars en subventions du gouvernement du Québec en 2023. L’évènement a attiré 1,4 million de spectateurs, et il y a eu 88 000 nuits à l’hôtel (4,8 fois le Centre Vidéotron). Ça, c’est de l’impact économique !

Contrairement à nos grands festivals, le passage des Kings à Québec ne générera à peu près pas de retombées économiques et fiscales. Les spectateurs seront en très grande majorité de la région de Québec. On ne fera que redistribuer des dollars loisirs qui auraient été dépensés de toute façon à Québec.

Et ce qu’on doit déduire des explications du gouvernement Legault, c’est qu’une grande partie de la subvention sera empochée sous forme de profits par les équipes (pour compenser la perte de matchs préparatoires dans leur amphithéâtre local).

Les grands festivals, eux, sont rentables pour l’État. Le Festival d’été de Québec, le Festival international de jazz de Montréal, Osheaga, le Festival Juste pour rire et l’Omnium Banque Nationale (Coupe Rogers) génèrent tous des recettes fiscales plus élevées que leurs subventions, selon la méthode de calcul de Tourisme Québec⁠1. Et aucun des évènements cités ci-dessus n’a reçu plus de 1,9 million en subventions de Québec cette année.

En plus, la vaste majorité des retombées économiques du Festival de jazz (60 %), du Grand Prix de F1 (66 %) et d’Osheaga (78 %) proviennent de touristes de l’extérieur de la province. C’est environ 20 % pour le Festival d’été de Québec.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Zoo Baby aux Francos de Montréal, l’été dernier. Les Francos sont le seul grand festival déficitaire pour l’État.

Bref, ces subventions aux grands festivals sont des investissements beaucoup plus rentables que de dilapider des millions pour tenter d’impressionner Gary Bettman. Surtout que beaucoup de festivals offrent des spectacles gratuits (le Jazz, les Francos) ou à peu de frais (140 $ pour 10 jours au Festival d’été).

Un seul grand festival est déficitaire pour l’État : les Francos de Montréal. Ce n’est pas grave : on paie une somme très raisonnable pour tenir l’un des plus grands festivals de musique francophone au monde, faire rayonner notre culture et offrir des spectacles gratuits très courus.

Et le Grand Prix de F1 dans tout ça ? Oui, sa subvention est élevée (environ 19 millions par an). Mais si on compte tout (recettes fiscales, subventions, redevances, coût des paddocks, entretien de la piste), l’évènement se tient à coût relativement nul pour les gouvernements. En 2019, le Grand Prix aurait généré des recettes fiscales nettes d’environ 2 millions (sans tenir compte des dépenses d’infrastructures comme l’entretien de la piste et le coût des paddocks, payées par les fonds publics). Si on tient compte des frais d’entretien de la piste et des paddocks (on amortit les paddocks sur 20 ans), on arrive plutôt à un déficit fiscal d’environ 2,5 millions en 2019⁠2.

Le gouvernement du Québec a déjà statué ne pas avoir l’intention de mesurer l’impact économique et fiscal de la visite des Kings. Une telle étude confirmerait sans doute à quel point cette subvention est de l’argent gaspillé, contrairement aux subventions de nos grands festivals.

1. La méthode de calcul du ministère du Tourisme compte seulement les visiteurs habitant à plus de 40 km venus principalement pour l’évènement. Sources : les derniers rapports de retombées des évènements. Il s’agit de l’année 2017 pour tous les évènements, sauf le Grand Prix de F1 (année 2019).

2. Dans ces calculs, nous avons tenu compte des redevances des gouvernements sur la vente des billets du Grand Prix. Ce montant n’est pas dévoilé publiquement. Toutefois, il y a une clause plancher qui garantit aux gouvernements des redevances d’au moins 3,5 millions par an. Nous avons estimé le montant des redevances à 4,7 millions pour 2019. Il s’agit de notre estimation, et non d’un chiffre officiel.

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