J’étais loin d’être convaincu du bien-fondé de la nouvelle approche de la Sûreté du Québec en matière de médias sociaux. Au cours des derniers jours, le ton plus « corrosif » utilisé pour répondre aux abonnés de la page Facebook de la SQ en a surpris plus d’un, moi le premier.

Un exemple du procédé ? Désireux de réagir à l’annonce d’une surveillance accrue sur les routes du Québec alors que la saison des vacances bat son plein, un internaute a écrit : « Check le zinzin sur le radar ! ». À cela, un gestionnaire de la SQ a répondu : « Check le moron qui se prend pour Gilles Villeneuve ! »

Et v’lan !

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

La Sûreté du Québec a récemment effectué un virage à 180 degrés dans son approche sur les réseaux sociaux.

Applaudis par plusieurs abonnés de la page, le ton utilisé et le vocabulaire ont étonné tous les autres. Rapidement, la SQ a dû intervenir et a expliqué que le gestionnaire de la page qui était en poste vendredi dernier était « parti en échappée avec le clavier ».

« C’est sûr que lorsque tu empruntes un virage à 180 degrés, il peut y avoir des ajustements », m’a dit hier Guy Lapointe, directeur des communications de la SQ.

En effet, dès le lendemain de cette « échappée », le ton, tout en demeurant familier, s’est adouci. Dimanche, l’équipe assurant les communications de la SQ écrivait qu’elle allait continuer « d’utiliser une approche plus sarcastique avec une pointe d’autodérision pour faire passer nos messages et nous continuerons à répondre aux “trolls” et aux internautes qui cautionnent des comportements délinquants dans les commentaires qu’ils font sous nos publications ».

À l’instar d’autres corps policiers en Amérique du Nord, la SQ adopte une nouvelle façon d’exploiter les réseaux sociaux.

Au départ, la police a eu recours aux médias sociaux pour recueillir des renseignements. Mais au fil du temps, cet outil est devenu un moyen de se rapprocher des citoyens.

À la SQ, on n’hésite pas à dire qu’on s’est inspiré d’une approche utilisée par divers corps policiers ontariens. Récemment, l’un de ces corps s’est adressé aux criminels en leur disant que c’était la canicule, qu’il faisait chaud et qu’il leur proposait d’aller au cinéma ou de faire une activité de la sorte au lieu de commettre des crimes.

« Il est rare que les citoyens ont un contact positif avec les policiers, dit Guy Lapointe. Je crois qu’on a trouvé une manière de se rapprocher des gens, d’être plus accessibles. Et puis, les gens sont tannés de nous voir sortir notre cassette sur la conduite à la veille des vacances ou au début de l’hiver. »

La cassette ! En effet, nous en avons tous marre des cassettes, des discours servis avec la langue de bois ou des phrases creuses. Là, on a un corps policier qui fait le pari de répondre aux gens de manière franche et colorée. Après avoir lu plusieurs messages et la réaction du public, je dois dire que j’ai changé mon fusil d’épaule.

Évidemment, cette manière colorée ne pourrait s’appliquer à l’ensemble des sphères de la SQ. 

« Cela fonctionne bien avec la prévention, dit Guy Lapointe. Mais bien sûr, si on aborde la question de la disparition d’un enfant, ça sera autre chose. On ne pourra pas avoir ce ton. »

La SQ pense pouvoir rejoindre beaucoup de jeunes avec cette stratégie, un groupe surreprésenté quand il est question de collisions mortelles, précise Guy Lapointe. Cette recette semble porter ses fruits. En un mois, la SQ a connu une augmentation de 7000 abonnés sur sa page Facebook, qui en compte au total environ 110 000.

Habitués de nous buter à des boîtes vocales ou de faire face à un dédale d’étapes (appuyez sur le 7, puis sur le 4…), nous en sommes venus à ne plus espérer une présence humaine à l’autre bout de la ligne ou du clavier (il m’arrive de geler quand une véritable réceptionniste me répond). Devant ce phénomène, notre ton a changé, notre vocabulaire aussi.

Symbole suprême de déshumanisation, les médias sociaux sont en train d’apporter une certaine chaleur à des organismes et des marques qui en ont bien besoin. Hydro-Québec exploite Twitter de la même façon.

L’automne dernier, un abonné du compte Twitter de l’organisme écrivait : « Le frette s’en vient, Hydro-Québec va betôt nous donner des conseils pour économiser “l’esstricité”, comme se masturber ailleurs que dans la douche. »

Et qu’est-ce qu’Hydro-Québec a répondu à l’hurluberlu ? « Si vous voulez économiser “l’esstricité”, vous pouvez quand même le faire dans la douche, mais à l’eau froide. »

Qui aurait dit, il y a quelques années, qu’Hydro-Québec allait inviter un fanfaron à aller se faire rétrécir le zizi sous la douche ?