(Québec) Christian Dubé veut maintenir cinq arrêtés pour se donner des pouvoirs exceptionnels dans sa lutte contre la pandémie jusqu’au 31 décembre. Mais les mesures transitoires liées aux conditions de travail ne passent pas, selon les syndicats, qui y voient une « attaque directe » aux droits des travailleurs de la santé.

L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) n’ont pas mâché leurs mots devant le ministre Christian Dubé. Le projet de loi 28, qui vise à mettre fin à l’état d’urgence au Québec, est « attentatoire » et vient « restreindre » les droits et les conditions de travail négociées dans les conventions collectives.

Les parlementaires ont amorcé jeudi les consultations sur le texte législatif. Fait rarissime, M. Dubé a décidé d’apporter deux amendements au jour un de l’étude de son projet de loi, comme l’a rapporté jeudi La Presse. Les députés de l’opposition et les groupes invités ont donc dû commencer les travaux sans connaître la nature des changements ni la teneur exacte des arrêtés que le ministre souhaite conserver.

Lisez « Fin de l’urgence sanitaire : Dubé apportera des amendements »

C’est un peu après 13 h que la liste des cinq arrêtés qui pourront être ajoutés au texte législatif a été rendue publique. Celui visant les ressources humaines et les conditions de travail comporte pas moins de 75 pages. Les syndicats, qui étaient entendus en après-midi, ont à peine eu le temps de le survoler. M. Dubé leur a d’ailleurs offert des excuses pour cet inconvénient.

« Je veux être clair, le 007, il est fini et il a été enlevé », a rassuré le ministre, évoquant l’arrêté qui suspend certaines dispositions des conventions collectives. Cela n’a pas calmé les inquiétudes de la FIQ et de l’APTS, qui s’opposent au projet de loi 28 dans sa forme actuelle. Selon les syndicats, Québec se garde le pouvoir « de suspendre ou de modifier les conditions de travail » jusqu’au 31 décembre.

On craint d’ailleurs un effet de découragement sur le terrain, où les troupes sont à bout de souffle après deux ans de pandémie. Cela n’aide par ailleurs en rien l’adhésion du personnel soignant au Plan santé présenté par M. Dubé mardi, selon le président de l’APTS, Robert Comeau.

Il faut des « arguments sérieux »

Dans le dernier arrêté présenté jeudi, il est indiqué que « les dispositions nationales et locales des conventions collectives en vigueur dans le réseau […] de même que les conditions de travail applicables au personnel » peuvent être « modifiées », notamment les articles relatifs aux mouvements de personnel.

Selon le spécialiste en droit public Louis-Philippe Lampron, les arrêtés conservés « semblent correspondre aux intentions du ministre ».

Il reste à voir si ça se justifie. Il y a beaucoup de syndicats qui sont sensibles parce que ce sont quand même des pouvoirs qui permettent d’écarter des conventions collectives. Alors il faut quand même que les arguments soient sérieux.

Louis-Philippe Lampron, spécialiste en droit public

Un « imposant exercice de révision » a eu lieu au cours des dernières semaines pour trier les quelque 200 arrêtés et décrets adoptés depuis mars 2020. Les derniers arrêtés sont regroupés sous cinq thèmes : les mesures populationnelles, les ressources humaines, l’opérationnel (vaccination et dépistage) et l’éducation.

Par exemple, on permet le maintien de l’autorisation spéciale d’exercice pour les retraités et les étudiants venus prêter main-forte au réseau, les arrêtés encadrant les agences de main-d’œuvre et le port du masque dans les lieux publics et les transports en commun. Les arrêtés pour permettre à davantage de professionnels de vacciner et d’effectuer du dépistage demeurent également.

Contrats à prolonger

Le sous-ministre associé et grand responsable de la vaccination, Daniel Paré, est venu plaider en faveur de la prolongation de certains contrats conclus en vertu de l’urgence sanitaire jusqu’à cinq ans. Selon M. Paré, il est dans « l’intérêt public » de conserver des contrats négociés de gré à gré pour le maintien des baux locatifs.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Daniel Paré, sous-ministre associé et grand responsable de la vaccination

La « réserve stratégique » liée à la pandémie est l’équivalent de « 75 000 palettes » de matériel, ce qui inclut quelque 4 millions de vaccins, des tests de dépistage rapide et de l’équipement de protection. « C’est immense », a-t-il dit. M. Paré a rappelé que les vaccins sont « fragiles et sensibles aux variations de température » et qu’il faut donc éviter de les déplacer inutilement.

M. Paré a précisé que le ministère de la Santé et des Services sociaux voudrait maintenir 10 contrats d’entreposage, mais cela exclut les contrats conclus par les établissements. Le nombre total n’a pas été précisé jeudi.

Les consultations sur le projet de loi 28 reprendront mercredi prochain.