Bon, qu’est-ce qu’on fait, là, maintenant ? On se précipite sur la première terrasse venue avec une autre personne et « des enfants mineurs de deux résidences différentes » ?

Facile à dire, mais on n’a pas tous des enfants mineurs à portée de la main.

Et nos résidences, sont-elles si différentes ?

En plus, il fait froid.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Une femme fait une promenade sur le bord du fleuve Saint-Laurent, jeudi soir, lors de la dernière soirée de couvre-feu avant le déconfinement progressif qui commence ce vendredi.

Peut-être un tour de char à Laval à 21 h 31, les fenêtres grand ouvertes, pour sentir le vent de la liberté décoiffer nos cheveux sans couvre-feu ?

Peut-être un aller-retour Montréal-La Sarre, vu que les passages interrégions sont permis. À quoi ça ressemble, une zone jaune ? Est-ce que les gens se serrent dans leurs bras, là-bas ? Peut-être qu’on a oublié comment toucher les gens. On devrait regarder comment ailleurs ça se fait. Quoi, c’est juste en zone verte, ça ?

Est-ce que la lumière est meilleure en zone jaune ? On dirait qu’il y a encore une pellicule autour du soleil, en zone rouge. On reconnaît les objets, les arbres, les animaux, mais c’est moins net qu’avant, on dirait. Ou peut-être qu’il est juste temps d’aller chez l’optométriste.

Peut-être qu’en zone jaune, le Canadien est en train de gagner ? Je ne me souviens même plus de ce qu’on faisait quand on a commencé à colorier la carte du Québec.

On voyait des gens pour vrai, on voyait des spectacles, je sais, mais ça fait si longtemps que j’ai internalisé la distance. Au point de m’étonner en voyant des scènes ordinaires de films tournés « avant ».

Sauf que ce qui commence n’est pas encore la vie ordinaire. Et sans vouloir casser le party, il faut bien se rendre compte que la partie est loin d’être gagnée.

Des pays dotés d’une excellente couverture vaccinale, il ressort deux choses : les vaccins sont efficaces et permettent d’espérer un vrai retour à la vie normale. Mais tant que le nombre de gens ENTIÈREMENT vaccinés n’est pas suffisamment élevé, il risque d’y avoir d’autres vagues.

Au Royaume-Uni, on assiste au début d’une nouvelle vague. Elle est moins mortelle. Elle est moins virulente jusqu’ici. Mais elle entraîne des hausses importantes des hospitalisations dans plusieurs sous-régions.

La mauvaise nouvelle : c’est la prépondérance du nouveau variant « indien » qui en est la cause.

La bonne nouvelle : les vaccins protègent bien contre les conséquences les plus graves de ce variant. Mais apparemment, pas totalement. Et surtout : à condition d’avoir les deux doses.

Ce que ça veut dire, c’est que ça s’en vient ici aussi. L’urgence vaccinale est encore entière, même si on peut aller voir un match de hockey.

On n’a pas vaincu ce virus – et probablement ne le vaincrons-nous jamais entièrement. Mais on peut le tenir en échec. À condition de faire monter le niveau de la vaccination générale et, surtout, le pourcentage de gens entièrement vaccinés.

Je ne boude pas le plaisir de ce petit déconfinement progressif, entendons-nous bien. Je verrai des gens dans le plus de cours possible. Des spectacles le soir et les Championnats canadiens d’athlétisme si je peux.

Mais cette pandémie n’est pas réglée. Je ne parle même pas du « reste du monde », où, inévitablement, de nouveaux variants continueront d’apparaître, d’autant plus vite que la vaccination n’est pas bien commencée.

Même ici, avec toutes les doses dont on dispose, les choses peuvent déraper.

Et si l’été, qui est censé tous nous mener en zone verte, ne se déroule pas comme prévu, si une nouvelle vague se pointe… alors nous commencerons à avoir une discussion beaucoup plus costaude sur la vaccination. Sur la nécessité des preuves vaccinales. Et sur un passeport vaccinal.

On y viendra, de toute manière.

En attendant, c’est une sorte de libération conditionnelle qui commence. Une sortie de confinement « sur parole ». Pas une remise de peine ni une libération finale.

Mais, eh, bon été !