Je venais de terminer une interview avec un préposé aux bénéficiaires, mardi, quand j’ai pris connaissance du plan du gouvernement en prévision de la deuxième vague.

Le préposé, lui, terminait son deuxième shift. De nuit. Seize heures d’affilée dans la zone rouge d’un hôpital de Montréal. Faute de personnel, il avait tenu le fort, pour les patients.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

À peu près au même moment, un message d’Anne-Catherine Simard Deraspe est apparu dans ma boîte de courriels. Elle venait de mettre son uniforme au lavage pour la dernière fois, après 15 semaines dans un CHSLD de Montréal.

« Rien ne change ! », s’exaspérait-elle. Plus de 40 % des résidants s’entassent dans des chambres doubles. Les préposés travaillent encore sur plusieurs étages. Des résidants restent « assis dans leur merde ».

Bref, je recevais ces échos terriblement décourageants du terrain alors même que, dans une salle feutrée de la capitale nationale, une brochette de ministres tenait une conférence de presse.

Rassurez-vous, semblaient-ils nous dire. On ne répétera pas les erreurs du printemps. On a un plan. On est prêts pour la deuxième vague.

Je ne demande qu’à les croire. J’essaie très fort de chasser de mon esprit ces décalages, au plus fort de la crise du printemps, entre ce qu’affirmait le trio de 13 h et ce qui se passait réellement sur le terrain.

Les réserves de masques tiennent le coup, il n’y a pas de pénurie, assurait-on au rendez-vous rituel de millions de téléspectateurs anxieux. On a mis fin au va-et-vient du personnel entre zones chaudes et froides, jurait-on encore.

Sur le terrain, c’était une autre histoire. Moins lisse.

Pour affronter une deuxième vague, il sera d’ailleurs essentiel de mieux arrimer les décisions des autorités à la réalité du terrain, note Marie-Pascale Pomey, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Cela dit, le plan du ministre de la Santé, Christian Dubé, ne manque pas d’ambition. Huit mille préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD dès la mi-septembre. Un gestionnaire dans chaque CHSLD. Qui devra rendre des comptes, si les choses tournent à la catastrophe.

Incroyablement, ce n’était pas le cas jusqu’ici.

On peut donc espérer que, cette fois, aucun résidant ne crèvera de soif dans sa propre chambre. On peut espérer qu’aucun aîné ne se laisse mourir d’ennui.

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La meilleure nouvelle de ce plan, c’est que le gouvernement n’entend pas fermer des pans entiers du système de santé lorsque frappera la deuxième vague.

On ne paralysera pas la vie dans l’espoir de paralyser le virus, comme au printemps. Le système continuera de rouler et la Terre, de tourner, le plus normalement possible.

Le gouvernement fera des gestes ciblés pour contrôler les éclosions, se réjouit Mme Pomey. Des « mesures sur mesure », qui auront l’avantage de ne pas toucher l’ensemble des Québécois. « Si c’est trop draconien, on ne s’en sortira pas. »

Parmi les promesses, il y a celle-ci, cruciale : malgré la pandémie, les proches aidants pourront continuer à s’occuper de leurs parents dans les CHSLD.

Trop de tragédies se sont jouées ces derniers mois au nom de la lutte contre la pandémie. Personne n’a envie de rejouer dans ce film lugubre, inhumain.

Cette fois, les malades ne verront pas leurs opérations et leurs traitements repoussés aux calendes grecques pour cause de coronavirus. Les enfants vulnérables continueront à être suivis par la DPJ et les dépressifs, par leur psychologue. Même sous la vague, on pourra continuer à respirer, un peu.

Reste à espérer que ce soit une vaguelette, et non un tsunami, qui nous guette.