Les militants caquistes donnaient des votes de confiance de plus de 95 % à François Legault quand il était chef du troisième parti à l’Assemblée nationale avec une vingtaine de députés. Maintenant qu’il en a 90, il n’a aucune raison de s’inquiéter de son score.

Certainement pas en ce qui concerne l’économie qui, pour un gouvernement de comptables, reste la première préoccupation. En fait, si Robert Bourassa revenait sur Terre, il serait sans doute sidéré d’apprendre qu’en janvier de cette année, le Québec avait le taux de chômage le plus bas de toutes les provinces canadiennes et au plus bas niveau de son histoire.

L’écart de richesse entre l’Ontario et le Québec – calculé par le PIB par habitant – n’est pas comblé, mais il a diminué. Mais le Québec a désormais un revenu médian chez les 25 à 54 ans plus élevé que l’Ontario et la Colombie-Britannique. Ces rattrapages avaient commencé avant l’arrivée au pouvoir de la CAQ, mais ils ont continué.

Les finances de l’État sont saines, la dette est maîtrisée et le ministre des Finances, Eric Girard, a su reculer à temps dans son projet de réforme du régime de pensions pour éviter le genre de dérapage que l’on voit actuellement en France.

Bref, le Québec n’est pas devenu le pays où coulent le lait et le miel, mais, sur le plan de l’économie, ça va plutôt bien.

Ça va un peu moins bien pour les deux grandes missions de l’État que sont la santé et l’éducation. Tellement que le gouvernement a lancé deux réformes assez semblables de ces deux grands réseaux.

En affirmant vouloir décentraliser, les ministres Christian Dubé et Benrard Drainville sont en train de présider à la plus grande opération de centralisation que l’on ait jamais vue.

Deux réformes qui portent la signature de la gouvernance caquiste : éliminer le plus possible les contre-pouvoirs et la possibilité qu’une décision gouvernementale puisse être contestée.

Le problème est le même dans les deux cas. On devra convaincre les citoyens qu’une réforme essentiellement administrative va donner des résultats dans les salles d’urgence et les salles de classe. Ce qui est loin d’être évident.

D’autant que la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 15 commence à montrer toutes sortes de faiblesses ou d’effets imprévus de la réforme. Que ce soit l’effet dans les régions ou le fait qu’il s’agit d’une réforme centrée sur l’hôpital aux dépens des autres acteurs du réseau qui donnent des services de proximité. Et bien sûr, presque tout le monde note la centralisation inhérente à la création de Santé Québec.

On verra, quand la réforme Drainville sera en commission parlementaire, si la réaction est la même, mais il est évident que ces réformes ne passeront pas si facilement et que les oppositions du milieu sont déjà très vives.

On ne peut pas reprocher au gouvernement d’essayer quand plusieurs gouvernements précédents n’en ont pas eu le courage. Mais ça ne garantit pas le succès.

Mais les problèmes actuels du gouvernement caquiste viennent d’ailleurs. Surtout de projets qui étaient des promesses électorales que l’on voulait populaires.

Appelons ça des « projets napkins » parce qu’ils ont l’air d’avoir été rédigés sur une serviette de table ou le dos d’une vieille enveloppe et sans avoir fait les vérifications essentielles.

Le troisième lien vient, évidemment, au premier rang. D’autant qu’on a proposé une nouvelle mouture de tunnel réservé aux transports en commun, encore sans avoir une évaluation précise des coûts ou même des enjeux essentiels : on ne sait toujours pas où on va le construire, quel type de tunnel ce sera, et quel sera le moyen de transport dans le tunnel.

Mais il y a d’autres exemples qui viennent plomber la crédibilité du gouvernement. Ainsi, les maisons des aînés sont sorties tout droit d’un dépliant publicitaire de la CAQ de la campagne de 2018.

On sait depuis plusieurs mois que le coût de construction a explosé. Le coût d’une chambre atteint maintenant entre 800 000 $ et plus de 1 million de dollars. Avec des choix largement politiques : par exemple, il n’y en a que deux qui sont prévues sur l’île de Montréal, mais il y en aurait plus d’une quinzaine en banlieue – difficile de ne pas y voir un rapport avec la carte électorale !

Actuellement, elles sont souvent plutôt vides en raison de la pénurie de personnel, et certaines sont utilisées comme hébergement temporaire pendant la rénovation de CHSLD. Comme si on disait : profitez de la climatisation et des grandes fenêtres, parce que ça ne durera pas !

On pourrait aussi parler des maternelles 4 ans, remises aux calendes grecques. Ou des Espaces bleus, ces musées annoncés en grande pompe en 2021 et qui ne sont plus une priorité.

M. Legault obtiendra la confiance de ses membres. Et son bilan – sauf peut-être en environnement – tient la route. Mais ce qui lui fait mal présentement n’est pas sa gouvernance, ce sont les gadgets et promesses populistes de ses campagnes électorales.