Dans quel autre pays du G7 voit-on des gens faire la queue avec des tentes et des sacs de couchage pour avoir un passeport ?

En fait, cette « crise des passeports » illustre bien ce qui se passe actuellement dans le gouvernement de Justin Trudeau. Comme si l’appareil de l’État tout entier s’était mis sur le pilote automatique.

Les passeports sont l’illustration la plus évidente de cette situation. Bien sûr, délivrer un passeport demande un minimum de vérifications et ça prend du temps. Mais on pouvait éviter la crise actuelle avec un peu de planification.

Tout le monde savait que, n’ayant pu voyager pendant la pandémie, beaucoup de Canadiens ont vu leur passeport expirer sans prendre le soin de le renouveler. On n’avait pas besoin de consulter une voyante pour savoir que lorsque les restrictions sur les voyages allaient être levées, ils se présenteraient aux bureaux des passeports et qu’il faudrait du personnel supplémentaire.

Qu’a fait le gouvernement ? Rien. Et depuis, il ne peut que donner des excuses.

Quand il arrive au gouvernement d’agir, ces temps-ci, c’est parce qu’une situation est devenue carrément intolérable, comme les arrivées aux aéroports, notamment à Toronto.

Même si le gouvernement avait défait une motion des conservateurs d’abandonner la plupart des mesures sanitaires quelques jours plus tôt, c’est précisément ce qu’il a annoncé – le tout « basé sur la science », bien entendu – cette semaine.

Par contre, il faudra encore attendre pour que l’application ArriveCan, devenue largement inutile, cesse d’être utilisée même si elle cause, elle aussi, des délais inutiles.

Des évènements récents font qu’on doit reparler des interminables délais avant de mettre fin à l’occupation du centre-ville d’Ottawa en février. Ces jours-ci, on voit le gouvernement Trudeau incapable de se mettre d’accord sur une version des faits qui puisse tenir la route sur le recours – pour la première fois – à la Loi sur les mesures d’urgence. Le dossier a rebondi aux Communes ces derniers jours et pas à l’avantage du gouvernement.

La loi prévoit, en effet, qu’après son utilisation, on doit examiner la manière et les raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de l’invoquer. Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a déclaré à plusieurs reprises que la loi a été invoquée à la demande des forces policières. Mais ni la police d’Ottawa ni la Gendarmerie royale n’affirment avoir fait une telle requête.

Autre tuile, le Canada fait grand cas de son appui à l’Ukraine. Mais cela n’a pas empêché les Affaires mondiales de déléguer une fonctionnaire de haut rang à la réception de l’ambassade de Russie pour sa fête nationale. Difficile de trouver plus mauvais timing et plus claire contradiction dans les messages.

Enfin, cette semaine, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a fait un discours que l’on qualifiait à l’avance d’important devant un groupe de gens d’affaires de Toronto.

Puisque tout le monde ne parle que d’inflation et de récession, on se serait attendu à des mesures visant à rassurer les Canadiens et aider les moins fortunés à traverser cette période difficile. Mais tout ce que la ministre des Finances a trouvé à faire, c’était de répéter ce qui était contenu dans son budget d’avril dernier.

Ce qui donnait encore une fois une impression de gouvernement qui est sur le pilote automatique et qui se contente de réagir quand la pression devient trop forte plutôt que de prendre les devants.

On aurait pu penser que le gouvernement avait justement pris les devants avec son projet de loi sur les armes de poing, même si c’était beaucoup la réponse du gouvernement aux demandes, entre autres, des maires des grandes villes canadiennes.

Mais quiconque suit le dossier sait déjà que le projet de loi n’aura que peu d’effets. Tous les policiers vous le diront, le problème n’est pas les armes achetées légalement et qui se retrouveraient dans les mains de criminels. Ceux-ci utilisent presque exclusivement des armes sans numéro de série ou d’autres moyens de les identifier qui arrivent illégalement des États-Unis. Il y a donc fort à parier que la loi ne changera pas grand-chose dans les rues des grandes villes canadiennes.

Pourtant, l’entente avec le Nouveau Parti démocratique, qui, dans les faits, permet au gouvernement Trudeau de travailler comme s’il était majoritaire, aurait pu lui donner l’élan de réaliser son programme de réformes.

C’est un peu le contraire qui est en train de se produire. Le gouvernement semble paralysé et il ne peut guère se tourner vers son chef pour de l’inspiration. M. Trudeau est dans son troisième mandat et on sait qu’aucun premier ministre n’en a obtenu un quatrième depuis plus d’un siècle.

Mais pendant que le premier ministre réfléchit sans doute à sa sortie, le gouvernement tout entier semble incapable d’initiative. Comme si absolument tout, à Ottawa, était sur le pilote automatique.