C’est l’histoire de politiciens qui voudraient être de vrais rois. Qui veulent s’ingérer dans n’importe quel aspect de la vie de leur principauté.

Des gens incapables de ne plus avoir tous les pouvoirs sur ce qui fut autrefois leur dossier. Même quand il est devenu, en droit et en fait, le dossier de quelqu’un d’autre.

Le meilleur exemple de cela est le tramway de Québec, mais, disons-le tout de suite, des dossiers du genre, il y en a un peu partout. Et le monde municipal, partout au Québec, commence à en avoir pas mal plein le dos.

Dès leur arrivée au pouvoir, des députés et des ministres de la CAQ dans la région de Québec ont commencé à souffler le chaud et le froid sur le projet qui, à l’époque, était celui du maire Régis Labeaume.

Il faut dire que le tramway n’était pas nécessairement très populaire dans la seule des 10 plus grandes villes du Canada à ne pas avoir un réseau de transport en commun structurant et où c’est encore le règne de l’auto individuelle. En plus, le tramway est vertement critiqué par les célèbres radios de Québec qui le détestent depuis le premier jour.

Bref, on a tout contesté depuis le début de ce projet. La technologie, le tracé, la cohabitation avec l’automobile. Depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a exigé plusieurs changements qui n’étaient explicables que par des raisons politiques.

Aujourd’hui, ça recommence sur un petit bout de moins de 500 m du boulevard René-Lévesque qui deviendrait une rue partagée, où la circulation automobile devrait nécessairement être réduite.

Mais ces malheureux 500 m auraient des effets, selon plusieurs ministres de la CAQ, jusqu’à 50 km de là ! Mais la rue partagée n’apporte pas une augmentation du trafic, elle implique un changement de trajet, ce n’est pas pareil.

Alors les petits roitelets se font aller. Au nom d’une « vision régionale », on ne pourrait faire entrave à une auto solo qui part de 50 km de là pour aller au centre-ville.

Au nom de l’écologie (venant de la CAQ, c’est quand même fort !), les roitelets décrètent qu’on ne doit pas couper des arbres pour laisser passer le tramway, mais quand on veut les garder avec une rue partagée, c’est tout aussi inacceptable.

Et le premier ministre en rajoute une couche en disant que le maire de Québec devrait travailler à « l’acceptabilité sociale » de son tramway. Le même premier ministre qui n’en tient aucun compte dans le projet du REM de l’Est à Montréal.

Bref, la CAQ et ses roitelets disent qu’ils veulent que le projet de tramway se réalise, mais ce qui est évident, c’est qu’ils veulent que ça se réalise à leurs conditions et à leurs conditions seulement.

Et une condition, cela semble aussi évident, c’est que ce soit après les élections. Puisque la CAQ craint de perdre les circonscriptions de certains de ses roitelets aux mains du Parti conservateur du Québec, qui monte en popularité et qui s’oppose au tramway au point de faire des élections du 3 octobre un référendum sur le projet.

Malheureusement pour eux, le nouveau maire de Québec n’a pas l’intention de se laisser faire. Et l’appel de Bruno Marchand a – fait assez unique – amené l’Union des municipalités et la mairesse de Montréal à appuyer publiquement leur collègue contre l’ingérence de Québec dans les responsabilités municipales, en particulier l’aménagement du territoire.

Ce qui démontre combien les relations entre le gouvernement de la CAQ et le monde municipal dans son ensemble sont loin d’être au beau fixe. Un exemple : pratiquement rien dans le budget de cette semaine sur la pénurie de logements qui affecte tout le Québec et a des effets sur l’économie des régions.

Autre exemple de petit roitelet, le ministre de la Justice qui est engagé dans un bras de fer très public avec la juge en chef de la Cour du Québec sur le nombre de juges bilingues.

Pourtant, les règles sont claires depuis la nuit des temps : le gouvernement nomme les juges, mais l’administration du tribunal relève de la juge en chef et d’elle seule.

Mais nous sommes dans la situation peu banale où le ministre de la Justice a perdu sa cause en cour et décide qu’il va passer outre en changeant la loi, même si c’est uniquement pour régler ses comptes.

Il faut dire qu’on est dans une situation particulière avec ce ministre de la Justice : comme procureur général, il devrait être au-dessus de la mêlée. Mais, Simon Jolin-Barrette est le ministre le plus politique du gouvernement : leader parlementaire – donc responsable des joutes partisanes en chambre – et ministre responsable du très politique dossier de la langue.

Mais, au fond, ce n’est qu’un autre de ces roitelets qui veulent tout régenter, surtout en année électorale quand ils sentent qu’ils doivent partager leurs pouvoirs.