Un dirigeant syndical m’avait averti en sortant de sa première rencontre avec un François Legault nouvellement élu premier ministre : « C’est un gouvernement populiste. Tu vas voir, il va faire ce qui va être populaire. Ou plutôt, ce qu’il croit qui va être populaire. Ça va passer avant toutes les autres considérations. »

C’est cette phrase qui m’est revenue à l’esprit quand j’ai vu l’annonce de la création d’un comité d’experts sur le développement du hockey au Québec. Le but est de relancer le développement du hockey au Québec et, en sous-titre, de voir plus de joueurs québécois dans la Ligue nationale de hockey. Et tant qu’à glisser dans ce type de populisme, pourquoi ne pas y ajouter le retour des Nordiques à Québec ?

D’autant plus que l’amphithéâtre est déjà construit et – non mais, ça tombe-tu bien ? – qu’il est juste à la sortie du futur troisième lien !

Évidemment, le comité est bardé de noms connus. En fait, il y a tellement d’anciens joueurs de hockey qui font maintenant carrière à la télévision dans ce comité qu’on peut se demander si L’antichambre ne devra pas bientôt être retirée de l’horaire.

Mais ce comité est surtout dans la droite lignée des vedettes que l’on invite maintenant aux conférences de presse pour annoncer de nouvelles politiques gouvernementales. On pourrait dire qu’il s’agit d’une stratégie de « poussière d’étoiles » ou, dans ce cas précis, pour reprendre les mots mêmes du premier ministre, d’une « équipe d’étoiles ».

Bref, le gouvernement Legault est déjà en campagne électorale et il veut s’entourer de gens connus et aimés du public, pour montrer qu’il ratisse large et qu’il s’occupe de tout ce qui préoccupe les Québécois. Les sportifs comme les autres.

Nul doute que la création d’un comité sur l’avenir du hockey au Québec entre tout à fait dans l’image que le premier ministre Legault veut se donner d’homme proche du peuple et de ses préoccupations. Nul doute que l’idée a aussi fait l’objet de sondages et a été testée dans des « groupes de discussion », ces fameux focus groups qui sont le préalable à toute initiative gouvernementale. Nul doute qu’on lui trouvera aussi un petit budget de publicité, ce gouvernement étant déjà le champion canadien de la publicité gouvernementale.

Et, bien entendu, on termine la conférence de presse avec une promesse que ce rapport-là, bien entendu, « ne sera pas tabletté ». Mais ne dit-on pas toujours ça à chaque nouveau comité.

De toute façon, le problème du hockey mineur est assez bien documenté. Ce sport coûte de plus en plus cher aux parents, tant en frais d’inscription qu’en équipement. Les infrastructures vieillissent et ne sont plus toujours en bon état.

Et surtout, notre sport national est maintenant en concurrence avec d’autres sports plus accessibles et de plus en plus populaires chez les jeunes. Il y a maintenant deux fois plus de joueurs licenciés à Soccer Québec qu’à Hockey Québec (165 000 contre 87 000). Et on n’a qu’à regarder dans les gymnases, les parcs et les cours d’école pour constater la nouvelle popularité du basketball. Deux sports qui ne demandent qu’une paire d’espadrilles et un ballon.

Pour une municipalité, par exemple, la question se pose désormais : combien de terrains de soccer ou de basket peut-on aménager pour le prix d’une seule patinoire intérieure ?

Le hockey n’est tout simplement plus un sport de participation de masse et il faudrait des investissements importants de fonds publics pour qu’il puisse – sans certitude – le redevenir.

Mais là où le premier ministre Legault pousse le bouchon un peu trop loin, c’est quand il reprend à son compte le dossier du retour des Nordiques. On a bien vu lors de la dernière expansion que Québec n’avait eu aucune chance d’obtenir la franchise qui joue maintenant à Seattle.

Mais surtout, l’histoire du déménagement des Nordiques en 1995 montre qu’il aurait été impossible de maintenir l’équipe à Québec sans que les propriétaires n’épongent d’importants déficits ou que l’État soit sollicité.

« À la fin, ce que Marcel Aubut voulait équivalait à un pipeline entre le Fonds consolidé de la province et le Colisée », avait dit à l’époque un conseiller du premier ministre Jacques Parizeau.

Même avec un nouvel amphithéâtre et un contrat de télévision plus lucratif, le marché de Québec reste trop petit pour soutenir une équipe de la Ligue nationale. C’est ce qu’ont estimé les gouverneurs de la LNH en 2018 et la situation n’a pas fondamentalement changé, ce que tout comptable devrait savoir.

On comprend que M. Legault voudrait qu’on le considère comme le partisan en chef de notre sport national. Mais à moins de vouloir être l’investisseur en chef d’une équipe déficitaire, il devrait laisser les démarches auprès du commissaire Gary Bettman au secteur privé. Et laisser le retour éventuel des Nordiques en dehors de la campagne électorale.