La campagne électorale municipale est commencée depuis longtemps, mais traditionnellement, c’est à ce moment-ci – le week-end de l’Action de grâce – que les Montréalais commencent vraiment à s’y intéresser.

Selon les sondages – bien qu’il faille toujours les prendre avec un grain de sel au municipal –, Valérie Plante et Denis Coderre sont au coude-à-coude, comme c’était le cas en 2017 à la même époque.

En fait, c’est à peu près à ce moment-ci de la campagne que Valérie Plante a commencé sa montée dans les sondages. Mais nous ne sommes pas dans la même situation, puisque c’est Mme Plante qui doit défendre son bilan cette fois-ci.

La campagne qui promettait des débats animés a été plutôt tranquille jusqu’ici. D’une part, parce que les élections fédérales ont monopolisé l’attention, de l’autre parce que les programmes des deux candidats se ressemblent beaucoup.

En fait, on pourrait dire qu’il s’agit surtout d’une liste d’épicerie de demandes aux gouvernements fédéral et provincial, ce qui montre à quel point les villes ont peu de pouvoirs qui leur soient propres, et encore moins d’argent.

On peut bien promettre des logements – la promesse phare de la campagne de Valérie Plante est d’en construire 60 000 et Denis Coderre parle de 50 000 –, mais dans tous les cas, l’argent ne viendra pas de Montréal, il est à Ottawa et à Québec.

Il est inévitable que, lorsque les programmes se ressemblent, l’élection porte aussi beaucoup sur la personnalité des candidats. Là-dessus, M. Coderre a déclaré cette semaine qu’il ne voulait pas que l’élection devienne un référendum sur sa personnalité et c’est révélateur. C’est parce qu’il sait qu’il a perdu la première manche sur ce thème.

Depuis la publication de son livre et l’annonce de sa candidature, M. Coderre a voulu faire croire qu’il avait changé. De toute évidence, les Montréalais ne le croient pas.

On a vu le même Denis Coderre qui dégaine vite, mais qui doit revenir sur ses positions : de l’alcool dans les parcs à la statue de John A. Macdonald. Et celui qui accuse à tort et à travers quand ça fait son affaire : non, la Ville n’est pas proche d’une décote des agences de crédit. Non, il n’y a pas eu plus de cyclistes qui ont perdu la vie depuis l’arrivée de Valérie Plante.

Les problèmes de Mme Plante sont d’un autre ordre. Elle doit défendre un bilan à la fin d’un mandat qui n’a pas été facile. Elle qui s’est fait élire en voulant être la « mairesse de la mobilité » n’a pas réussi à dompter le monstre des cônes orange, même si la pandémie n’a pas aidé. Et construire des pistes cyclables va inévitablement provoquer du mécontentement chez les automobilistes et les commerçants.

Il y a aussi des sujets que les candidats essaient sciemment d’ignorer, comme le Réseaux express métropolitain (REM) de l’Est. Un projet qui pourrait défigurer l’une des artères les plus importantes de Montréal, le boulevard René-Lévesque, et saccager l’un des trop rares espaces verts de l’est de Montréal, le parc Morgan.

Le REM de l’Est est un projet qui a été proposé par la Caisse de dépôt et placement du Québec et sa filiale CDPQ-Infra sans qu’elles aient eu à consulter qui que ce soit, au premier rang, l’Autorité régionale de transport métropolitain, pourtant responsable de la planification des transports en commun.

De nombreux citoyens de l’est de Montréal sont inquiets de ce projet et leurs préoccupations ne font aucunement l’objet de débats dans la campagne électorale, qui serait justement le bon moment d’en parler. Mais la cause semble déjà entendue pour M. Coderre, qui a été un partisan de la première heure du REM. Quant à Mme Plante, elle se tient loin du dossier depuis son élection.

Bref, il n’y aura pas de débat public sur l’un des plus importants – et critiquables – projets de transports en commun à Montréal depuis des décennies. Ce qui est une renversante occasion manquée.

Au coude-à-coude à un mois de l’élection, les deux principaux candidats conservent toutes leurs chances de l’emporter. Il reste à voir ce que sera la fameuse « question de l’urne » quand viendra le temps de voter.

Si ce devait être la qualité de vie dans les quartiers, ce sera avantage Plante. Si c’est la sécurité – un sujet qui est devenu incontournable dans la campagne électorale cette année –, ce serait plutôt avantage Coderre. Si c’est le développement du centre-ville : avantage Coderre. Si c’est l’environnement et le verdissement : avantage Plante. Tout dépendra des priorités des électeurs.

Mais une chose peut être déterminante dans une élection municipale où le taux de participation n’est pas toujours très élevé. Mme Plante a un bon niveau d’appuis chez les citoyens plus jeunes, qui ont moins tendance à aller voter. À l’inverse, M. Coderre a de meilleurs appuis chez les électeurs plus âgés, qui votent en plus grand nombre.