Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à l’animateur, acteur et humoriste Erich Preach.

Depuis ma naissance dans les années 1980, j’ai pu être témoin du progrès de différentes technologies. Du CD au MP3, du téléavertisseur au téléphone cellulaire. Les communications ont changé, et ce, très rapidement. J’ai assisté à l’aurore de YouTube et de Google, mais aussi à l’extinction du VHS et de la disquette. Tout ça dans l’espace d’à peu près 15 ans. Sur mon téléphone portable, je peux compter un peu plus d’une dizaine d’applications pour communiquer, sans compter le fait que je peux texter et aussi appeler ! Vous savez, la fonction première d’un… téléphone.

On pourrait quasiment dire qu’après l’âge de pierre, l’âge de bronze et la Renaissance, nous sommes dans l’ère de la communication.

« What a time to be alive », comme on dit. Mais je ne m’avancerai tout de même pas à dire que nous sommes réellement dans l’ère de la communication. Bien que nous ayons en notre possession tous les outils pour communiquer, et ce, dans le monde entier, il manque un élément important.

J’observe depuis un bon moment l’univers dans lequel je navigue. Les réseaux sociaux, les médias, les nouvelles, les différents discours et opinions, et il y a une constance : nous semblons incapables de discuter. Avec les différentes vagues de changements dont la genèse vient de groupes souvent ostracisés, comme Black Lives Matter, #metoo, le mouvement LGBTQ+2AI et j’en passe, il est normal qu’il y ait un choc entre l’ancienne école de pensée et la nouvelle.

Je vous entends de loin me dire que ça n’a absolument rien de nouveau, que c’est comme ça depuis la nuit des temps. Toute nouvelle génération se heurte à la précédente, ça a toujours été comme ça et ça le restera pendant encore longtemps. Je l’ai vécu moi-même avec mes parents haïtiens qui ont immigré au Canada dans les années 1970. Nous n’avions clairement pas la même vision de la vie. Il y a eu beaucoup d’accrochages entre nous à cause de nos divergences d’opinions, donc ça n’a pas toujours été facile. Je comprends assurément le principe du clash des générations.

BOOM ! Un élément déclencheur vient chambouler notre quotidien ! On revendique, on veut que les choses changent, et VITE et tout ce qui semble de près ou de loin aller à l’encontre de ce changement est un ennemi de la cause. UN POUR TOUS, ET TOUS POUR LA CAUSE ! Et ceux qui s’y opposent ? Que le diable les emporte !

Le simple fait de remettre en question une idée populaire risque de vous apporter la grogne d’un auditoire du web qui, sous le couvert d’une photo de profil louche, vous envoie des énormités. Maintenant, je ne suis pas de ceux qui croient qu’on ne peut plus rien dire. Là n’est pas du tout mon propos. Je ne crois pas qu’on devrait se faire automatiquement « canceller ».

En revanche, dans notre quête de nouvelles applications et de technologies pour communiquer, il n’y a aucune application pour écouter…

Je vous ai mentionné plus haut que la communication avec mon unité parentale n’était pas aisée. Dans les faits, ce qui a été difficile, c’est de réaliser que nous étions différents malgré notre lien de parenté. En même temps, ma sœur et moi avions toujours un endroit pour discuter, pour débattre, pour ne pas être d’accord. Mes parents m’ont appris à écouter. Et surtout, ils m’ont appris le merveilleux art de la nuance. Et c’est ce qui manque énormément dans nos enjeux quotidiens. LA NUANCE. Avec toutes ces avancées technologiques, ces applications, cette intelligence artificielle, où est partie notre intelligence organique ?

Nous sommes trop rapides à ne pas écouter, à tirer des conclusions hâtives, à nous énerver. On tend à oublier que l’éducation ne passe pas seulement par l’échange de paroles ; elle passe aussi par l’erreur. Si j’ai pu évoluer dans un milieu pédagogique, c’est que j’avais droit à l’erreur. On me permettait de poser des questions, aussi farfelues soient-elles. « Il n’y a pas de questions niaiseuses », qu’on me disait.

Si l’erreur est humaine, la nuance devrait l’être aussi. Et la compréhension passe par la compassion. Évidemment, plus on vieillit et plus on tient pour acquis le savoir de tout le monde. On fait abstraction du niveau d’instruction, de l’origine, du fait que les êtres humains ne sont pas tous pareils. Et la compassion prend le bord. Nous sommes des adultes maintenant, donc nous n’avons plus le droit à l’erreur ! « Si tu ne penses pas comme moi, c’est que tu as un sérieux problème. » Aucune compassion, aucune nuance, aucune écoute. Avec toute cette technologie, avons-nous régressé ?

Évidemment, je trouve ça très utopique d’espérer un monde rempli de nuance et de compassion. C’est évidemment impossible. Tout ce que je peux faire, c’est d’écrire ce billet pour rappeler à ceux qui le liront de faire preuve de compassion, d’écoute et surtout de nuance dans leur vie.