Vous avez des questions sur nos éditoriaux ? Des interrogations sur les sujets chauds de l’actualité ? Chaque semaine, l’équipe éditoriale répond aux lecteurs de La Presse.

J’aimerais savoir pourquoi la SAQ ne reprend toujours pas ses bouteilles pour les recycler. La pandémie a servi d’excuse pour procrastiner, mais là ça suffit…

Diane Sarrasin

Madame Sarrasin,

Inscrivez la date du 1er novembre dans votre agenda. Le gouvernement n’en parle pas suffisamment, mais la vie des Québécois va (un peu) changer à ce moment.

À partir de cette date, tous les contenants de boisson de 100 millilitres à 2 litres n’iront plus dans le bac de récupération, mais devront être apportés dans des dépôts aménagés à cette fin.

Ça inclut les bouteilles de vin, les contenants de lait, les canettes de bière, les bouteilles de boisson gazeuse. La consigne sera de 25 cents pour les bouteilles de vin et de spiritueux et de 10 cents pour tous les autres contenants.

En clair, ce n’est donc pas la SAQ qui reprendra vos bouteilles de bordeaux, mais bien ces nouveaux points de dépôt.

Cette consigne élargie, comme on l’appelle, vise un but : empêcher les différentes matières de se mêler dans le bac de récupération et de se contaminer l’une l’autre. On sait que le verre, notamment, se brise, contamine le papier et provoque des bris dans les centres de tri. La plupart du temps, le verre lui-même se retrouve au dépotoir comme matériau de remblayage parce qu’il est trop contaminé pour être réutilisé.

Avec ce nouveau système, les contenants de boisson iront directement chez les entreprises qui les reconditionnent, sans passer par le centre de tri.

Pourquoi viser les contenants de boisson ? Pourquoi le pot de confiture de verre continuera-t-il d’aller au bac de recyclage pendant que la bouteille de vin ira au dépôt ? Pourquoi envoyer la bouteille de plastique de shampoing au bac et la bouteille d’eau pétillante en plastique au dépôt ?

Recyc-Québec répond que les boissons sont souvent consommées hors de la maison, ce qui rend plus difficile leur recyclage. On nous dit aussi qu’il aurait été très complexe de tout consigner.

La consigne élargie va demander un changement de nos habitudes. Mais c’est un gain réel pour l’environnement.

Pensez-y : l’usine Owens-Illinois de Montréal, qui fait fondre du verre pour fabriquer de nouveaux contenants, doit importer son verre de l’Ontario, des États-Unis et des Maritimes parce que celui récupéré au Québec est de trop mauvaise qualité. C’est gênant.

Évidemment, le 1er novembre, c’est demain matin. Et on peut se demander si on sera prêt. Le fiasco de la SAAQ est encore bien frais en mémoire…

Cette fois, ce n’est pas Québec qui gère directement la consigne élargie, mais bien les producteurs de contenants eux-mêmes selon le principe de « responsabilité élargie des producteurs ». Ceux-ci ont formé un organisme, l’Association québécoise de récupération des contenants de boisson, pour s’en occuper. Québec impose des conditions et s’assure qu’elles sont respectées.

Pour que la consigne élargie fonctionne, il faut aménager 1500 points de dépôt partout au Québec. Il faut y installer des gobeuses capables de lire les codes-barres de plusieurs types de contenants différents (les amateurs de bière qui se battent avec les gobeuses actuelles pour faire accepter leurs canettes sont sans doute inquiets en lisant ces lignes).

Il faudra que ces machines soient en nombres suffisants pour éviter les files d’attente susceptibles de décourager les citoyens. Il faudra aussi des équipements spécialisés pour gérer la matière recueillie (le verre, en particulier, est trop lourd pour être manipulé par des employés).

Les projets-pilotes déployés jusqu’à présent ont montré qu’il est néanmoins important d’avoir du personnel sur place, au moins occasionnellement, pour régler les pépins. Avec la pénurie de main-d’œuvre, ce sera un défi.

Toute une campagne de sensibilisation sera finalement nécessaire pour expliquer les changements aux citoyens.

Bref, il y a beaucoup de pain sur la planche. L’Association québécoise des détaillants en alimentation milite d’ailleurs pour reporter l’implantation de la consigne élargie à 2025 afin de « bien faire les choses ».

Sauf que des reports, il y en a déjà eu. L’instauration de la consigne était d’abord prévue pour l’automne 2022, puis pour le printemps de cette année, avant d’être reportée au 1er novembre.

Un moment donné, il faudra prendre le taureau par les cornes et agir. Au cabinet du ministre de l’Environnement Benoit Charette, on jure d’ailleurs vouloir garder le cap sur le 1er novembre prochain. Tant mieux. La consigne élargie est une bonne mesure, et la peur de se planter ne peut être une excuse à l’inaction.