C'est un Denys Arcand détendu, souriant, convaincu d'avoir fait le film qu'il voulait faire, qui s'est présenté à la première québécoise de L'âge des ténèbres, hier soir, au Cinéplex Sainte-Foy. L'événement s'est déroulé en présence du premier ministre Jean Charest et de quelques membres de son cabinet.

«Je fais du cinéma depuis l'âge de 19 ans. Je commence à être blindé contre tout», a-t-il indiqué aux journalistes, à son arrivée sur le tapis rouge, en référence aux critiques mitigées de son film, que ce soit à Cannes, à Toronto et en France, où le film a connu une carrière commerciale désastreuse.

Au sujet de la saga qui a entouré la présentation de son film au Festival de Cannes, en clôture de l'événement, le vétéran cinéaste a expliqué qu'il n'a rien eu à y voir. «Je suis le dernier qu'on consulte. Ma responsabilité se termine le jour où je remets ce qu'on appelle la copie zéro. Légalement, par contrat, j'ai alors terminé.»

L'âge des ténèbres brosse le portrait d'un fonctionnaire (Marc Labrèche) qui, pour échapper à un travail ennuyant et une vie familiale pathétique, s'imagine une existence de rêve, où il deviendra notamment écrivain à succès, preux chevalier et amant d'une somptueuse actrice.

Sur un ton cynique, le réalisateur en profite pour tordre le cou à une kyrielle de problèmes de la société québécoise, dont la bureaucratie, symbolisée par le Stade olympique, où le personnage de Jean-Marc Leblanc passe ses journées à écouter des gens "encore plus mal foutus" que lui.

Un Oscar libérateur

À l'issue de la projection, après la présentation des principaux interprètes (Marc Labrèche, Sylvie Léonard et Macha Grenon), Denys Arcand a accepté de répondre à quelques questions de l'assistance.

Il a notamment expliqué que l'idée de son scénario lui était venue de sa folle tournée de promotion des Invasions barbares, aux quatre coins du monde. «J'ai perdu un an de ma vie dans les hôtels, les limousines, à faire tous les jours des entrevues. Je me suis dit : «Qui voudrait être à ma place?» Quelqu'un qui me voyait monter les marches à Cannes, en compagnie d'une somptueuse actrice, devait m'envier, se dire que je menais une vie de glamour, alors que ma vie est d'une platitude infinie...»

L'Oscar des Invasions barbares, a-t-il expliqué, en réponse à une autre question, ne lui a pas mis de pression supplémentaire sur les épaules. «Peut-être parce que je l'ai gagné trop tard dans ma carrière. Je l'ai remporté à 63 ans, il y a plus rien qui se passe à cet âge-là (rires). C'est plus dangereux lorsque tu es jeune. Je pense à Jean-Claude Lauzon, par exemple, qui a eu beaucoup de mal à composer avec le succès après ses deux premiers films. Dans mon cas, ç'a été plutôt libérateur.»

Autre film en vue

Au sujet des mauvaises critiques de son film en France, Arcand ne croit pas qu'elle ont été meilleures ou pires pour L'âge des ténèbres que pour ses autres films. Il a toujours ses «ennemis», comme Libération et Le Monde, auxquels il faut maintenant ajouter Le Figaro, qui l'a fait passer pour un cinéaste «d'extrême-droite». «Je ne sais pas pourquoi, mais la presse canadienne à Paris a monté en épingle les mauvaises critiques plutôt que les bonnes.»

La suite de sa carrière a également été abordée par un spectateur, soucieux de savoir s'il tournera bientôt un autre film. «Disons que je suis un peu paresseux, a-t-il répondu. Au début de ma carrière, je ressentais l'urgence d'enchaîner un film après l'autre pour payer le loyer, mais plus maintenant.

«J'ai une idée sur laquelle je suis en train de travailler, avec un personnage d'architecte. Je commence à me documenter, j'assiste à des colloques d'architecture à Montréal. Dans combien de temps je vais le tourner? Je ne le sais pas.»