Figure peu conventionnelle du milieu du cinéma montréalais, Maidy Teitelbaum a imposé depuis 1995 son festival de films francophones, Cinémania. La photographe de mode et femme d'affaires a réussi sa dernière conversion, celle de cinéphile, francophile et mécène.
Culottée. Le qualificatif ne manque pas de venir à l'esprit quand on pense au parcours de Maidy Teitelbaum. En 1995, cette anglophone a lancé son festival de films francophones sous-titrés en anglais. Sur un coup de coeur plus qu'un coup de tête. En pleine tempête référendaire.
Condamné a priori à rogner les restes du FFM et du FNC, Cinémania a réussi à imposer sa marque au fil des années. Sa programmation, bric-à-brac à ses débuts, ne convoque aujourd'hui que des inédits. Et pas du deuxième choix: Un conte de Noël, d'Arnaud Desplechin, ouvrira le 14e Festival Cinémania, tandis que La fille de Monaco, d'Anne Fontaine, le clôturera.
Si le FFM a son Serge Losique et le FNC son Claude Chamberlan, Cinémania a sa Maidy Teitelbaum. Une femme de tête qui se moque bien des subventions publiques, ne compte que sur le mince appui de la SODEC -»Ils nous donnent très peu d'argent par rapport aux autres festivals, c'est vraiment terrible»- et se passe tout simplement de celui de Téléfilm.
Si Cinémania roule, dit-elle, c'est grâce au privé. Une centaine d'entreprises que Maidy Teitelbaum lance, relance et sollicite à longueur d'année. Parmi les contributeurs, La Senza, à qui la famille Teitelbaum est liée. L'enseigne québécoise loge aussi dans son immeuble de la rue Sainte-Catherine Ouest les petits bureaux de Cinémania.
«Bon nombre de nos sponsors trouvent cela important d'avoir une culture de qualité à Montréal. Mais je ne sais jamais, d'une année à l'autre, qui va revenir. C'est très incertain», dit-elle. Bon an mal an, Cinémania s'offre à l'année les services de trois employés à temps plein. «Moi je suis mécène, je travaille pour ma passion, je ne suis pas payée», précise Maidy Teitelbaum.
Le cinéma est une passion, développée sur le tard. «J'étais très prise, comme tous les anglophones au Québec, dans le cinéma américain», confesse-t-elle. Elle a le déclic en 1995, en Floride, au festival de cinéma français de Sarasota. «C'est probablement la première fois de ma vie que j'ai réalisé qu'il pouvait il y avoir une autre culture.»
De France, Maidy Teitelbaum fait venir sa programmation et de ses invités. Bertrand Tavernier siège à présent au conseil d'administration du festival. Pour ses bons services envers le septième art hexagonal, Maidy Teitelbaum a été décorée très officiellement à deux occasions: par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et par l'Ordre des arts et lettres.
Francophile, Maidy Teitelbaum? «Je suis une femme du monde, tombée amoureuse du cinéma français. Si vous voulez me donner un titre, alors oui, francophile, parce que j'adore la France. Je suis allée souvent en France. La France est un pays plein de qualités», soutient-elle.
Après avoir été photographe de mode, Maidy Teitelbaum assouvit, avec Cinémania, son envie de «travailler avec des gens qui sont au même niveau de responsabilité» qu'elle. Le milieu de cinéma est difficile, concède-t-elle, mais elle a pour elle un atout: le sens des affaires.
«Vous savez, je suis d'une famille qui fait du commerce. Dans le commerce, on sait que c'est le client qui nous dit ce qu'il veut. Ce n'est pas nous qui devons lui dire ce qu'il faut acheter ou lui imposer nos goûts, sinon il ira ailleurs», énonce-t-elle, pragmatique.
Le festival de films Cinémania se poursuit jusqu'au 16 novembre au cinéma Impérial. Infos: www.cinemaniafilmfestival.com