Après sa descente aux enfers professionnelle à cause de ses problèmes de drogue, Robert Downey Jr. est ressuscité dans l'armure de Iron Man et sous la peau noire d'un acteur désespéré dans Tropic Thunder. Son incarnation du célèbre détective privé du 221b Baker Street va confirmer son retour au firmament des stars. Rencontre avec les artisans d'un Sherlock Holmes dépoussiéré. Le 201e film sur ce personnage!

Pour son premier film à gros budget, Guy Ritchie ne pouvait trouver mieux que Sherlock Holmes: «C'est un long métrage avec une identité anglaise, mais du muscle et une bourse bien américains», a-t-il plaisanté lors d'une conférence de presse tenue au Freemasons Hall, à Londres, où a été tournée la spectaculaire scène d'ouverture du film.

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Comme tout sujet britannique, le réalisateur de RocknRolla et de Snatch a grandi avec Sherlock Holmes et n'a pas hésité quand les bonzes de Warner lui ont proposé de mettre en scène une enquête originale du détective: «C'est un personnage auquel je suis attaché depuis l'enfance et j'ai une vision très claire de ce qu'il est.»

Une vision à lui, très personnelle, parce qu'il n'a jamais vu, à l'écran, une seule adaptation des enquêtes du détective privé. «Je n'avais aucune référence visuelle, je suis parti de moi, de mes souvenirs. Ça tombait bien parce que le studio a été très clair dès le départ: ils voulaient «un film de Guy Ritchie», pas un truc tous publics.»

Dans cette vision, les talents athlétiques du détective privé - les romans et nouvelles le disent expert en boxe, en escrime et en arts martiaux, mais exploitent peu la chose - sont vraiment mis à contribution, autant que ses cellules grises et sa fameuse méthode observation-induction-synthèse; quant au docteur Watson, vu par Guy Ritchie par le prisme de ses seules lectures, il est l'égal de Holmes et pas le faire-valoir qu'en ont fait les adaptations.

D'où la distribution «égalitaire», en physique, en prestance, en importance à l'écran: Robert Downey Jr. devient Sherlock Holmes et Jude Law, le docteur Watson (surnommé Hotson par les tabloïdes britanniques). Ce dernier a sauté dans le train en marche (le réalisateur et le rôle-titre étaient déjà choisis) sans hésiter.

Lui aussi a connu Holmes dès l'enfance. «Mais avec Guy et Robert à bord, je savais qu'on irait vers quelque chose de différent des vieilles adaptations. J'ai lu le scénario, j'ai aimé son énergie - et le côté plus tranchant donné à Watson. Puis, je suis retourné aux livres et j'ai réalisé combien ce que je pensais être une «relecture» des romans se trouvait en réalité dans les textes mais avait été oublié», note l'acteur, dont le deuxième boulot à la télévision a été... garçon d'étable dans la série The Case-Book of Sherlock Holmes.

Bref, comme le résume le producteur Joel Silver, «nous avons essayé de faire un film contemporain, qui soit original et qui dépoussière le mythe Sherlock Holmes, mais qui embrasse en même temps les écrits de Conan Doyle». Cela, en prenant Holmes et Watson en cours de carrière - il n'était en effet pas question de faire une «histoire des origines» - et même, en les prenant en cours d'enquête.

Adrénaline

La scène d'ouverture se déroule dans l'adrénaline et le muscle, pas dans l'intellect et la déduction. Les deux limiers sont en effet sur les traces d'une manière de tueur en série diabolique, Lord Blackwood (Mark Strong, lugubre à souhait), qui commet des meurtres rituels. Holmes et Watson sauvent de justesse la jeune femme qu'il s'apprête à tuer. Livrent l'homme à l'inspecteur Lestrade (Eddie Marsan). Assistent à sa pendaison. Du coup, Londres respire mieux. Jusqu'à ce que le machiavélique personnage revienne à la vie (preuve que nous sommes dans «un Sherlock Holmes», les forces de l'occulte, une aura de fantastique, la science et la technologie se côtoyant dans l'intrigue). Et Londres de recommencer à trembler tandis que le tandem tente d'expliquer ce «miracle».

Ce, tout en continuant à vivre. Oui, au 221b Baker Street tenu par Mme Hudson (Geraldine James). Oui, en croisant des dames sur leur route: Holmes, Irene Adler (Rachel McAdams), la mystérieuse et dangereuse Américaine qui a (peut-être) volé son coeur; Watson, la belle et douce Mary (Kelly Reilly) qu'il épousera un jour.

En fait, le seul qui semble manquer à ce panthéon «holmesien» est le diabolique Moriarty, l'ennemi juré du détective - qui ne fait ici qu'une apparition... disons, indirecte. La rumeur veut qu'il sera présent dans la suite de Sherlock Holmes (parce que suite il y aura fort probablement, si l'on se fie aux propos de Joel Silver) et qu'il pourrait être incarné par Brad Pitt (chose que, pour l'instant, personne ne confirme).

Élémentaire, mon cher Watson

Autre absence, dans le long métrage: pas de «Élémentaire, mon cher Watson». À cette remarque, Guy Ritchie sourit: l'expression n'est pas dans les romans. Il le sait, il est allé voir. «Ce que nous avons voulu faire, c'était de livrer au public un Sherlock Holmes qui ne soit pas contaminé par les symboles», assure-t-il. Et «ses» acteurs d'acquiescer. «Pour bien des gens, Holmes est la quintessence de l'Anglais. Mais il n'a pas été écrit comme ça. Il l'est devenu avec le temps. Le film fait du ménage dans tout cela, réexamine le personnage et en livre une version moins figée», dit Mark Strong, qui trouve fascinant que Conan Doyle ait ainsi, «à une époque où nous régnions supposément sur le monde, créé un personnage ayant des faiblesses».

Holmes étant en effet «égoïste, arrogant et dépressif», rappelle Guy Ritchie. Et pour chasser l'ennui et la morosité, il utilise une solution de 7% de cocaïne diluée dans de l'eau - une «faiblesse» qui fait l'objet d'une allusion légère, mais vraiment très légère, dans le film. «Nous ne voulions pas «glamouriser» l'usage de la coke», fait Robert Downey Jr. en se sentant soudain l'objet de toutes les attentions. On sait les problèmes qu'il a eus avec cette drogue. «Mais je ne la prenais pas pour chasser l'ennui», fait-il avec un sourire sibyllin. On l'entendrait presque ajouter qu'il la consommait aussi dans une concentration autrement plus élevée.

Mais... non. Il revient plutôt à Conan Doyle et à Holmes - comparant le modèle original à celui qu'il incarne: «C'est inexplicable mais parfois, vous sentez que vous êtes juste, que vous avez l'approbation du passé. Bien sûr, nous avons un peu tordu la «réalité». Nous savons tous, par exemple, que Sherlock Holmes n'a pas inventé le silencieux. Par contre, les lettres V.R. (pour Victoria Regina) écrites en tirant des balles sur le mur du 221b Baker Street, nous avons pris ça dans un des livres. Holmes a vraiment fait ça.»

Et Conan Doyle de nous attendre là où on ne l'attend pas. «C'est une manière intéressante de faire ce travail, conclut l'acteur. Honorer le passé tout en divertissant à la manière d'aujourd'hui.»

Qu'ajouter sinon que la mission est accomplie... et que ce n'était pas élémentaire, mon cher, d'y parvenir.

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Sherlock Holmes prend l'affiche le 25 décembre, en anglais et en français.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Warner Bros.