Dans son quatrième film, Rebelle, Kim Nguyen évoque la vie des enfants-soldats. Une réalité vécue à plusieurs endroits du monde. Une réalité qui l'a incité à camper son histoire dans un pays subsaharien, sans le nommer.

Dans les faits, Nguyen a posé sa caméra au Congo, pays meurtri par des années de dictature et de guerre. Mais aussi un pays fascinant, tant par ses habitants que par ses paysages, comme en témoignent ses lieux de tournage.

La route longe un flanc du palais présidentiel perché au-dessus de Kinshasa, avant de s'éloigner dans la vallée. Sur la droite surgit un chemin de terre. Alors que la voiture s'y enfonce, une pauvreté extrême se referme sur nous.

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Benza-village est un des quartiers les plus défavorisés de Kinshasa. Mais un quartier riche de ses gens qui a récemment reçu de la visite rare: une équipe de tournage de Québécois et de Congolais. Et quand des Mandeles (Blancs) débarquent, ça suscite beaucoup de curiosité.

Celle-ci s'est transformée en joie lorsque les membres de l'équipe du film Rebelle de Kim Nguyen ont recruté des habitants de la place pour exécuter de petits boulots techniques et de la figuration, moyennant rémunération.

Benza, c'est un peu le bout de l'enfer. Dès l'entrée, le commissariat de police donne le ton. L'immeuble est bricolé à partir d'un conteneur au plafond rouillé. Des palettes de bois défoncées tiennent lieu de plancher. Le visiteur s'assoit sur deux sièges d'auto crevés.

Perpendiculaires au chemin de terre, des sentiers de sable conduisent aux maisons où marmaille et volaille grouillent librement. La plupart des habitants vivent du revenu de petits commerces qui se résument à une table bancale posée devant la maison et où s'entassent les produits à vendre: farine de manioc, fruits, cartes téléphoniques.

Le sol est jonché de déchets de plastique. Un jeune garçon, accroupi, répare la roue de sa brouette en se servant d'un morceau de ciment en guise de marteau.

L'équipe technique entourant Kim Nguyen a identifié Benza comme un des lieux de tournage de Rebelle. L'histoire est celle de Komona, fille enlevée par des rebelles qui la forcent à devenir enfant-soldat, une machine à tuer, à commencer par ses propres parents. Mais Komona, dont le chemin croisera celui de personnes influentes, trouvera la force intérieure pour retourner dans son village.

«Nous avons tourné durant cinq ou six jours dans Benza», observe Junior Kalukani, un éclairagiste de formation embauché comme régisseur. Il y a eu des scènes au restaurant de Maman Bébé, au commissariat de la police, dans un commerce, à l'infirmerie, dans l'église, etc.»

Ah! Maman Bébé! Il faut voir son restaurant. Au milieu d'une petite place publique, c'est une charpente de bois divisée en deux et dont les murs sont constitués de vieilles toiles. D'un côté, la cuisine où elle fait frire des poissons dans l'huile à même le sol avec un long bâton. De l'autre, la salle à manger minuscule faite simplement de planches de bois.

La scène tournée ici en est une de fête. Pour les besoins du tournage, l'équipe a embauché un groupe de musiciens, La Crèche, ce qui a donné lieu à un moment cocasse.

«Une fois installés, les musiciens croyaient qu'ils allaient jouer toutes leurs pièces. Mais comme c'était une scène, nous leur avons expliqué que, pour le besoin des prises, ils devaient toujours refaire la même chanson. Ils étaient un peu déçus», rigole le producteur Pierre Even, d'Item 7.

Autour de Kinshasa

Au total, Rebelle aura été tourné en 31 jours dans 35 décors différents. Certains endroits, comme Benza, ont permis de planter plusieurs décors très près les uns des autres.

L'équipe a été en mesure de concentrer son travail dans et tout autour de la capitale. Les sentiers et la forêt du Centre hippique de Kinshasa ont permis de tourner des scènes de jungle où était érigé le camp des rebelles. Au parc Mbudi, les rives du fleuve Congo furent le théâtre d'une bataille sanglante entre rebelles et militaires.

L'endroit est lunaire. En bordure de l'eau, d'immenses roches noirâtres sont polies comme des galets. Un endroit parfait pour mimer une mine de coltar, matériau employé dans la fabrication des téléphones cellulaires. «Nous avons aussi mis du vrai coltar dans le décor, évoque Deschamps Matala, assistant du directeur artistique Emmanuel Fréchette. J'y touchais pour la première fois. On aurait dit du charbon noir.»

Rebelle devrait prendre l'affiche à l'automne 2012.

Les frais de ce reportage ont été payés par Métropole Films.