Deux films américains ont été présentés en compétition au Festival de Cannes hier. Loving, de Jeff Nichols, est parfaitement calibré pour les Oscars et s'y retrouvera probablement l'an prochain. Paterson, de Jim Jarmusch, fait entendre une voix plus particulière.

Jeff Nichols, révélé à Cannes grâce à Take Shelter et Mud, offre ici un film hollywoodien de facture classique, parfaitement calibré pour la prochaine soirée des Oscars. Loving est un beau film, dont le thème trouvera assurément un écho alors que l'Amérique est encore aux prises avec de graves problèmes raciaux. Cela dit, l'approche très conventionnelle qu'emprunte le réalisateur de Midnight Special est étonnante.

S'inspirant d'une véritable cause survenue en Virginie dans les années 50, Nichols nous ramène à une époque où, dans une Amérique ségrégationniste, les mariages interraciaux étaient interdits. Et pouvaient valoir aux conjoints une peine de prison. C'est d'ailleurs ce qui arrive à Mildred et Richard Loving (excellents Ruth Negga et Joel Edgerton). Très amoureux, ils décident de convoler en justes noces à Washington, où le mariage civil est permis, mais ils constateront vite que cette union n'est pas reconnue par les autorités de l'État où ils habitent. Le film décrit les 10 années que le couple consacrera à la reconnaissance de ses droits civiques, au fil d'une longue bataille qui s'est rendue jusqu'à la Cour suprême.

C'est, bien sûr, émouvant. Mais le film est quand même un peu lisse, un peu trop bien placé.

Distribué par Focus Features, dont les dirigeants ont annoncé un retour à la vocation originale de leur studio de niche (finis les films d'horreur et autres films de genre), Loving prendra l'affiche le 4 novembre en Amérique du Nord.

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Paterson: la poésie du quotidien

Il y a trois ans, Jim Jarmusch était arrivé sur la Croisette avec un film de vampires, Only Lovers Left Alive, qui avait séduit les festivaliers. Le jury, sans doute moins enthousiaste, avait écarté de son palmarès ce film qui, pourtant, reste l'un des meilleurs de son auteur. Cette fois, le réalisateur, lauréat du Grand Prix du jury en 2005 grâce à Broken Flowers, met de l'avant, à sa façon, une semaine de la vie d'un couple apparemment ordinaire, dont le quotidien est toutefois rehaussé par des éléments de fantaisie. Un peu comme la célèbre madame Brossard de Brossard, le protagoniste est monsieur Paterson, de Paterson au New Jersey.

Ce modeste conducteur de bus (Adam Driver), qui écrit de la poésie dans ses temps libres, vit un bonheur tranquille avec sa femme Laura (Golshifteh Farahani). Cette dernière passe ses journées à apprendre la guitare, à parfaire sa recette de cupcakes et à s'occuper de son chien, sur lequel la caméra s'attarde d'ailleurs beaucoup pour obtenir quelques effets comiques.

Il ne se passe pas vraiment autre chose sur le plan narratif, sinon que le récit est divisé par chaque jour de la semaine. Le plaisir du spectateur provient du sens de l'observation très aiguisé du cinéaste, et de l'humour en creux que renferme pratiquement chaque scène. Il faut mettre un moment avant d'adhérer à cet univers, mais les admirateurs habituels du cinéma de Jim Jarmusch seront ravis, même si Paterson s'inscrit dans la frange plus mineure de sa filmographie.

Aucune date de sortie n'est encore fixée chez nous pour ce film produit par Amazon Studios.

Photo fournie par Amazon Studios

Adam Driver et Golshifteh Farahani dans Paterson de Jim Jarmusch