La scène peut paraître paradoxale. Peu à l'aise d'accorder une entrevue en français, la présidente et fondatrice d'un festival de cinéma francophone décline d'abord notre demande. Pour ensuite se raviser. Accompagnée de Guilhem Caillard, coordonnateur à la programmation de Cinemania, l'anglophone francophile Maidy Teitelbaum s'est prêtée à l'exercice difficile de réduire la programmation étoffée du 18e Cinemania, présenté du 1er au 11 novembre, en cinq coups de coeur.

Ombline, de Stéphane Cazes

Véritable coup de coeur de Maidy Teitlebaum, qu'elle mentionne à plus d'une reprise au cours de l'entretien. C'est l'histoire racontée par le cinéaste Stéphane Cazes qui a d'abord séduit la cinéphile. Premier long métrage de Cazes, le film relate l'histoire d'Ombline (Mélanie Thierry), jeune femme incarcérée pour trois ans qui apprend par surprise qu'elle est enceinte. Déterminée à s'occuper de son enfant, Ombline tente de convaincre un juge qu'elle est capable d'en prendre soin à sa sortie de prison. «Les femmes en prison, c'est un sujet qui n'est pas souvent discuté au cinéma, remarque Maidy Teitelbaum. On sort de la projection bouleversé.»

L'ordre et la morale, de Mathieu Kassovitz

«Du pur Kassovitz», selon Guilhem Caillard. L'ordre et la morale raconte la prise en otage de 30 policiers par des indépendantistes kanakes en 1988 sur le territoire français de Nouvelle-Calédonie, et ce, entre les deux tours de l'élection présidentielle opposant François Mitterand à Jacques Chirac. Tout ça, à la façon d'Apocalypse Now de Francis Coppola. «Les images sont magnifiques et les paysages sont splendides, observe Mme Teitlebaum. Ça nous permet de voir des paysages qu'on n'a pas l'habitude de voir dans le cinéma français.» Mais, au-delà des paysages, L'ordre et la morale suscite la polémique. Les responsables militaires et politiques de l'époque ont vu dans le film un grand manque d'objectivité.

Thérèse Desqueyroux, de Claude Miller

Thérèse Desqueyroux est le dernier film du réalisateur français Claude Miller, mort en avril dernier. Vendredi, il sera présenté en compagnie de la productrice Annie Miller, femme du cinéaste. Une dernière oeuvre qui, en abordant le thème de l'émancipation sexuelle, boucle la boucle avec le premier film de Miller, La meilleure façon de marcher. Quatre autres films du réalisateur compléteront cet événement-hommage. «Deux films seront présentés en 35 mm, précise Guilhem Caillard. C'est rare de pouvoir voir les films de Miller en 35 mm. Dans le cas de La meilleure façon de marcher, il n'en existe que deux copies.»

J'enrage son absence, de Sandrine Bonnaire

Après son documentaire Elle s'appelle Sabine, la Sandrine Bonnaire réalisatrice plonge dans la fiction. J'enrage de son absence aborde l'affection obsessionnelle d'un homme pour le fils de son ex. L'actrice-réalisatrice sera même à Montréal pour la présentation de son film, qui s'inscrit dans une rétrospective de son oeuvre. Une grosse prise pour ce modeste festival qui a, pour ce faire, pu bénéficier du coup de pouce du producteur français aux mille relations, Dominique Besnehard. «Quand il est venu à Cinemania il y a 10 ans, il a été impressionné par le festival, se rappelle Maidy Teitlebaum. Alors on lui a téléphoné en lui disant: «Il faut nous aider!»»

Gebo et l'ombre, de Manoel de Oliveira

Gebo et l'ombre a ceci de particulier qu'il est réalisé par le plus vieux cinéaste encore actif. «Manoel de Oliveira a 103 ans! note Guilhem Caillard. Ça force l'admiration.» Selon M. Caillard, le réalisateur remet le couvert avec «son sens aiguisé de l'autodérision». Le film, adapté d'une pièce de théâtre du dramaturge portugais Raul Brandao, est tourné dans une seule pièce, à quelques plans près. Ennuyant? Oh que non, assure le responsable de la programmation. «Claudia Cardinale, Jeanne Moreau et Michael Lonsdale forment une joyeuse bande de vieillards», souligne-t-il.

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Le festival Cinemania, du 1er au 11 novembre. Infos: www.festivalcinemania.com

Photo: fournie par Cinemania

Thérèse Desqueyroux est le dernier film de Claude Miller.