Au cours des dernières années, Fanny Ardant s'est surtout consacrée au théâtre et à la réalisation. Et elle n'accepte que les projets qui lui plaisent. Dans Les beaux jours, elle incarne une femme qui entame sa vieillesse.

L'allure de l'héroïne du roman de Fanny Chesnel, qui a inspiré le nouveau film de Marion Vernoux, Les beaux jours, ne correspond pas tout à fait à celle qu'affiche habituellement Fanny Ardant dans ses films. Un travail de transformation a été nécessaire.

«On a essayé, en tout cas, a confié l'actrice lors de son passage à Montréal le mois dernier. Comme le titre du roman, que je n'ai pas lu, est Une jeune fille aux cheveux blancs, nous avons pensé au départ faire des essais avec une tête blanche, mais, étrangement, cela me donnait un air trop sophistiqué pour le rôle. Or, Caroline est une femme de tous les jours qu'on définit davantage par son caractère que par sa situation sociale. Elle est libre, indépendante, anticonformiste. Que ce soit dans la vie ou au cinéma, une personne ne se définit pas, dans mon esprit, par sa classe sociale, sa nationalité ou sa religion. C'est trop restrictif!»

Se mettant entièrement à la disposition d'un metteur en scène dès qu'elle se sent en confiance dans un projet qui l'enthousiasme, Fanny Ardant s'est faite blonde et a pris plaisir à se glisser dans la peau d'une «vieille» femme. Elle s'est en outre amusée à confronter directement ce qui, à ses yeux, reste l'un des derniers tabous du XXIe siècle: la vieillesse. Cela dit, l'héroïne des Beaux jours est encore bien loin de ce qu'on nomme maintenant la «fin de vie».

Réinventer sa vie

Professionnelle récemment retraitée, Caroline atteint le stade où elle compte réinventer sa vie. En couple depuis toujours avec un mari qu'elle aime (Patrick Chesnais), elle se cherche des moments de loisir. Dans un centre où l'on propose des activités aux gens de son âge, la sexagénaire fait la rencontre d'un animateur beaucoup plus jeune qu'elle (Laurent Lafitte). Elle entretiendra une liaison inattendue avec lui.

Le récit aborde ainsi les thèmes du rapport à la séduction, du rapport au corps, du rapport au couple et du rapport à l'âge. Ces thèmes ont beaucoup allumé l'actrice, d'autant qu'ils circonscrivent un questionnement très contemporain. L'apparence est plus que jamais mise de l'avant dans la société, particulièrement sur le plan médiatique.

«On me parle de la vieillesse des actrices depuis que j'ai 30 ans! dit Fanny Ardant. On m'a tellement demandé si j'avais peur de vieillir que je m'y suis habituée. Il est vrai que l'écran est cruel. Mais je ne veux pas rentrer dans le rang comme le font les moutons et qu'on me dise de marcher bien à droite ou à gauche parce que c'est ce qu'il faut faire. C'est pour cela que j'aime parler de la vieillesse. Parce que personne n'en parle. Ce qui fait peur à la société m'excite.

«On ne dit jamais les mots ''vieillesse" et "mort" maintenant, poursuit-elle. On utilise plutôt des formules comme ''troisième âge'' ou ''fin de vie''. J'aime dire les choses comme elles sont. Il ne sert à rien de pleurnicher sur sa jeunesse perdue. Il vaut mieux s'occuper à bien vivre le présent.»

Des scènes plus intimes ponctuent le récit de ce film de Marion Vernoux. L'actrice s'y est prêtée de bonne grâce en sachant que la caméra de la réalisatrice ne serait jamais intrusive.

«Marion a été très honnête à propos des scènes d'amour, fait-elle remarquer. Personnellement, j'ai toujours été animée d'une grande pudeur. Même à l'époque où j'étais jeune, je n'ai jamais tourné nue. Alors encore moins maintenant! Mais il y avait dans l'approche de Marion une belle intelligence pour évoquer les scènes plus intimes. À mon sens, le sexe reste plus fort dans la suggestion que dans la leçon d'anatomie. Un film de fiction n'est pas un documentaire.»

Alliée de la culture

Fanny Ardant s'apprête par ailleurs à lancer son deuxième long métrage à titre de réalisatrice. Même si Cadences obstinées a été fabriqué avec très peu de moyens («Même pas 1 million d'euros», précise-t-elle), l'actrice revendique pleinement les productions plus marginales destinées à joindre un public plus restreint.

«Il y a de la place pour tout, fait-elle remarquer. Tout a déjà été dit; tout a déjà été filmé. Il ne reste plus que la manière. Et cela, c'est la marque des auteurs. C'est leur point de vue qui reste intéressant. Aussi, je comprends mal cette obsession de percer le marché américain à tout prix. Pourquoi? Truffaut, Fellini et bien d'autres ont eu des carrières exceptionnelles sans jamais aller voir du côté des États-Unis. Pedro Almodóvar tourne tous ses films en Espagne. Il est important que les auteurs gardent leur identité.»

«De mon côté, poursuit-elle, je ne fais que des choses qui me plaisent. Certains de ces projets se transforment en succès; d'autres, pas du tout. Ce n'est pas grave. Seule l'expérience de tournage, qui est avant tout une aventure humaine, compte pour moi.»

> Les beaux jours prend l'affiche le 25 octobre.