Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre
le cœur de leur quartier.

Mardi soir de février au cinéma Cineplex de l’ancien Forum de Montréal. Au programme : le film Fighter en version IMAX 3D.

Pas le drame de boxe mettant en vedette Mark Wahlberg et Christian Bale. Plutôt un film en hindi réalisé par Siddharth Anand et mettant en vedette la star Hrithik Roshan et l’actrice et productrice Deepika Padukone, qui était membre du jury du Festival de Cannes en 2022.

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB D’IMDB

L’affiche du film Fighter

Fighter est une version Bollywood à peine cachée de Top Gun, avec un pilote de l’armée de l’air indienne qui défie l’autorité et qui a perdu un être cher dans les airs. L’ennemi est toutefois un terroriste pakistanais avec comme toile de fond le conflit au Cachemire.

À nos côtés pour voir le film : trois étudiants recrutés dans le cours Art Forms of Bollywood, donné par Dipti Gupta à l’Université Concordia.

Zara Saleem, d’origine pakistanaise, étudie en enseignement. Pour avoir vu de nombreux films avec sa mère, elle connaît très bien l’univers de Bollywood et son star-système.

Pour moi qui suis née au Canada, c’est une façon de connecter avec ma culture. Je me sens à la maison.

Zara Saleem

« Ce sont des films qui me font sourire et qui me rendent nostalgique », renchérit Shayne Matabadul, qui étudie en cinéma à Concordia et qui a grandi sur l’île Maurice avec une mère d’origine indienne.

Fighter est seulement le quatrième film de Bollywood que voit pour sa part Yvonne Léa Carpentier-Wheeler. « Le premier au cinéma et le premier sans Shah Rukh Khan », lance-t-elle en faisant rire ses camarades.

Qui est Shah Rukh Khan ? Une légende vivante en Inde.

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Shah Rukh Khan dans le film Jawan. Il figurait dans le palmarès des 100 personnes les plus influentes de 2023 du magazine Time.

Yvonne s’est inscrite au cours sur Bollywood par curiosité. Après tout, il s’agit de la plus grosse industrie cinématographique au monde, rappelle-t-elle. Or, la jeune femme nous apprendra plus tard que son père est le directeur artistique Daniel Carpentier (qui a travaillé sur des plateaux d’envergure comme Arrival et Hochelaga, terre des âmes). Sa sœur, Rose Carpentier-Wheeler, scripteuse à la télévision (5e Rang, Sorcières), a aussi eu Dipti Gupta comme professeure.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

On peut même voir des films de Bollywood en format IMAX au cinéma Cineplex de l’ancien Forum.

Zara Saleem souligne que c’est au Cineplex Forum qu’elle a vu son premier film de Bollywood dans un cinéma grand public montréalais, soit Ta Ra Rum Pum. « J’avais 5 ans et j’en ai gardé un souvenir très clair. »

Cineplex présente des films de Bollywood depuis les années 1990 à travers son réseau de salles. Le complexe du Forum a été l’un des premiers à le faire, souligne Zara.

Comme bien des films de Bollywood, Fighter est long – il dure près de trois heures. Notre verdict ? La musique épique, les ralentis où les acteurs enlèvent leurs lunettes Ray Ban Aviator et les plans rapprochés comme dans les soaps américains le rendent hautement divertissant, à défaut de toute concordance avec la réalité.

« Trop d’abdos », a lancé Shayne à la fin du film où un énième intermède musical met en vedette les muscles de Hrithik Roshan.

Les segments chantés ont presque rappelé à Yvonne Léa ceux du film Barbie.

Pour Zara, la fin est surprenante étant donné que Bollywood est beaucoup plus chaste qu’Hollywood. Croyez-le ou non : un baiser est échangé !

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La scène du baiser, dans le film Fighter

Mais pour Zara, le film écorche beaucoup trop le pays de ses ancêtres. « C’était très politique et c’était même embarrassant pour moi, qui suis d’origine pakistanaise. Des fois, je me disais : “Mais qu’est-ce que je fais ici ?” »

Il est vrai que les Pakistanais passent ici pour des méchants sans profondeur, bien que le réalisateur Siddharth Anand affirme avoir plutôt exalté le « patriotisme indien ». « Le conflit du Cachemire est un sujet tellement délicat », expose Zara.

« D’autres films de Bollywood sont beaucoup plus inclusifs », souligne Zara, qui a eu un coup de cœur récemment pour Rocky Aur Rani Kii Prem Kahaani. « Je l’ai vu trois fois. J’aime le message du film de briser les barrières culturelles. »

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Zara Saleem

Pour Shayne, Fighter est très américanisé et très violent. Sinon, tous ont apprécié la dimension féministe du personnage incarné par Deepika Padukone. Son père ne lui parle plus depuis qu’elle est pilote : ce n’est pas convenable pour une femme, selon lui. Mais changera-t-il d’idée ?

En classe

Cinq jours avant d’aller voir Fighter avec Zara, Shayne et Yvonne, nous avons assisté au cours qu’ils suivent à Concordia. Yvonne a été sous le charme du film présenté, Dilwale Dulhania Le Jayenge, que le cinéma Maratha Mandir de Bombay présente toujours 29 ans après sa sortie.

La professeure Dipti Gupta a rappelé à ses étudiants l’importance de porter un autre regard sur les œuvres de Bollywood. Si le jeu des acteurs semble exagéré, il faut y plonger en faisant comme si c’était vrai, quitte à mettre notre scepticisme de côté. C’est le fameux pacte de la fiction appelé la « suspension consentie de l’incrédulité » (suspension of disbelief). « Il ne faut pas juger les films, mais les apprécier », a fait valoir Dipti Gupta.

Tout est une question de perspective culturelle, ajoute la professeure, qui a déjà été choquée de voir des couples dans les films hollywoodiens être au lit dès le premier soir !

En savoir plus
  • 10 %
    Cineplex a indiqué à La Presse que les films étrangers représentent environ 10 % de son box-office. En 2023, trois films de Bollywood sont devenus les plus lucratifs de l’histoire de Cineplex pour des films étrangers, soit Animal, Pathaan et Jawan. Les deux derniers mettent en vedette… Shah Rukh Khan !