Le cinéaste Pascal Plante est en quête d’humanité dans un monde désincarné avec Les chambres rouges, un thriller psychologique qui a remporté quatre prix à Fantasia, dont le Cheval Noir du meilleur long métrage.

« Je suis un peu surpris que la SODEC et Téléfilm aient embarqué du premier coup ! lance en riant le réalisateur québécois. C’était clair que c’était un film singulier, un peu à côté de la plaque. »

Les chambres rouges, présenté en première mondiale à Karlovy Vary et qui sortira en salle ce vendredi, détonne dans le cinéma québécois. Ce long métrage angoissant aux influences assumées – Fincher, Haneke, Argento, De Palma – s’intéresse au procès hypermédiatisé d’un homme qui aurait assassiné trois adolescentes et diffusé leurs morts sur le web caché (dark web), dans ces fameuses « chambres rouges ».

« Tout porte à croire que ces chambres existent », explique le metteur en scène.

C’est dépeint dans le film un peu comme une légende urbaine, ce côté inquiétant et paranoïaque du folklore qui fait partir l’imaginaire des gens. Mais des personnes disparaissent. Et il y en a, des meurtres en direct sur l’internet.

Pascal Plante

Le sujet est né pendant le confinement, alors que Pascal Plante venait de terminer Nadia, Butterfly et qu’il avait les blues, n’ayant aucune idée du moment où le public pourrait découvrir son film. « Ce côté dépressif et cyclothymique de la pandémie se prêtait bien à explorer des choses un peu sombres. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Pascal Plante

Il s’est mis à regarder des films. Plus de 400 longs métrages par année, sans compter les séries et les heures passées sur YouTube. « C’est beaucoup de temps d’écran, concède le principal intéressé. Il y avait cette volonté-là de réfléchir à l’audiovisuel qu’on consomme en masse. »

Le genre true crime s’est imposé, et il s’est mis à écrire sur des thèmes contemporains comme l’obsession des masses pour les tueurs en série et les théories du complot.

Chaleur humaine

La particularité du récit est de présenter les évènements selon la subjectivité de Kelly-Anne (Juliette Gariépy, La maison des folles), une jeune femme obsédée qui tente par tous les moyens de trouver la vidéo manquante du meurtre d’une des victimes. Une héroïne énigmatique et sociopathe dont les actions troublantes ne manquent pas de déranger.

« On se demande si elle est gentille ou méchante », développe le scénariste.

C’est mon plaisir de jouer avec les codes pour que les gens puissent se faire des scénarios dans leur tête. Leur imagination est hyperactive dans ce type de cinéma là.

Pascal Plante

Ce qui rattache Kelly-Anne au monde réel est une amitié naissante avec Clémentine (Laurie Babin, L’Échappée), une jeune groupie qui est convaincue de l’innocence du présumé tueur. Comme dans les films précédents du réalisateur, Nadia, Butterfly et Les faux tatouages, il est possible de s’extirper de l’isolement et de la solitude en créant un lien avec un autre être humain.

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La productrice des Chambres rouges, Dominique Dussault, avec Pascal Plante et les actrices Juliette Gariépy et Laurie Babin

« C’est là que le film me ressemble, avoue le metteur en scène. J’affectionne les duos à l’écran qui sont à la recherche de connectivité, d’un peu de chaleur. Même si ce ne sont pas des personnages a priori attachants, c’est mon travail de cinéaste de les aimer. En passant du temps avec elles, on finit par les comprendre et avoir de l’empathie. »

L’évolution psychologique de Kelly-Anne est ainsi aussi importante, sinon plus, que le développement de l’intrigue. En menant sa propre enquête, cette figure égoïste qui projette ses fantasmes et ses désirs s’engage dans un chemin de croix qui la changera à jamais.

« Au début de l’odyssée, c’est comme un robot ou Pinocchio qui veut être un enfant comme les autres, analyse Pascal Plante. Quand elle voit la mère d’une des victimes pourfendre constamment le tueur et être vraiment en détresse, elle devient humaine. Elle réalise que la violence consommée un peu bêtement tous les jours est réelle et qu’elle fait mal. »

Possibilités infinies

La première excursion de Pascal Plante auprès du film de genre lui permet de s’exprimer comme jamais sur le plan de la mise en scène. Les chambres rouges regorge de plans audacieux et méticuleusement développés, alors que la musique de son frère Dominique Plante nous hante de ses mélodies accrocheuses.

« Dans les bons films de genre, les cinéastes sont en pleine possession de leurs moyens et de leurs outils, raconte le réalisateur. Ils doivent comprendre le son, l’ambiance, le rythme, le montage. C’est dans ce type de cinéma que tu peux en faire le plus comme cinéaste. Tout à coup, tu n’es pas confiné à la retenue. Tu peux beurrer épais, tu n’es plus contraint par le réalisme. C’est vraiment très excitant pour nous. Alors que le film de genre est particulièrement exaltant pour le cinéphile qui vit une véritable expérience, car quelque chose de physique en émane. »

Les chambres rouges prend l’affiche le 11 août.