(Cannes) L’une des productions les plus attendues du festival est, en fait, une série destinée à une plateforme. Entourée d’un parfum de scandale et mettant en vedette Lily-Rose Depp et Abel The Weeknd Tesfaye, The Idol, sélectionnée hors compétition, ne possède qu’un atout faisant l’unanimité : la performance remarquable de son actrice.

À ceux qui poseraient peut-être la question, non, la sélection d’une série de prestige destinée à une plateforme n’est pas une première à Cannes. Irma Vep, d’Olivier Assayas, a été présentée sur la Croisette pas plus tard que l’an dernier. Il y a plus de 10 ans, ce même Assayas présentait ici Carlos, révélant du même coup Edgar Ramirez. Cela dit, jamais n’avait-on encore vu une série provoquer autant d’émoi chez les festivaliers. Précédée d’une rumeur sulfureuse, The Idol a eu droit à une projection de gala au Grand Théâtre Lumière.

Il est d’évidence difficile de porter un jugement définitif sur une série comptant six épisodes alors que seuls les deux premiers ont été présentés. Le fait est que The Idol, une réalisation de Sam Levinson (créateur de la série Euphoria), souligne un peu trop lourdement cette intention d’offrir une production audacieuse et provocante. Prenez Entourage, saupoudrez ça un peu 9 semaines ½ et de 50 nuances de Grey, et vous obtiendrez à peu près ce que les créateurs de cette série (Reza Fahim, Abel The Weeknd Tesfaye et Sam Levinson) ont tenté de faire. Avec, hélas, plus ou moins de bonheur.

Absence de complicité

Une seule certitude : Lily-Rose Depp offre ici une performance remarquable, dont la qualité est bien supérieure à celle de l’œuvre qu’elle doit défendre. La partie du récit se déroulant à l’intérieur de la garde rapprochée de Jocelyn (Lily-Rose Depp), une superstar de la musique pop qui prépare son retour sur scène après avoir dû se retirer pendant un an à cause d’une charge mentale trop lourde, est très bien menée. Mention à Jane Adams, impériale dans le rôle de la directrice du label pour lequel Jocelyn enregistre.

L’ennui, c’est que le récit se concentre davantage sur la rencontre fulgurante entre la chanteuse et Tedros (The Weeknd), un gérant de bar qui développera avec la vedette un lien charnel très fort. Lily-Rose Depp enflamme l’écran, Abel Tesfaye, pas tant. La complicité épidermique que ces deux êtres frappés d’un coup de foudre devraient en principe partager n’est pas du tout tangible à l’écran. Et puis, disons-le, The Weeknd n’est pas très bon comédien.

PHOTO ANTONIN THUILLIER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Abel The Weeknd Tesfaye, Lily-Rose Depp et le cinéaste Sam Levinson à la projection officielle de The Idol

Au cours d’une conférence de presse tenue mardi, Abel Tesfaye, qui compare le personnage qu’il joue à Dracula, a expliqué que l’idée de cette série était au départ de proposer une fantaisie un peu tordue – et sombre – sur l’industrie de la musique.

« Le personnage de Jocelyn [Lily-Rose Depp] est un peu inspiré de mes propres expériences, à la différence que, contrairement à elle, j’ai eu la chance de prendre de bonnes décisions dans ma vie. »

Ce qu’on décrit dans The Idol est un peu une vision différente de ce que j’aurais pu vivre si j’avais fait de mauvais choix. On a voulu créer quelque chose de spécial, d’amusant, qui peut en faire rire certains et en irriter d’autres.

Abel Tesfaye (The Weeknd )

Comportant plusieurs scènes de nudité (une séquence fait d’ailleurs écho à la fonction de coordonnateur d’intimité), The Idol reflète ainsi la sexualisation de la culture, que Sam Levinson attribue à un phénomène en particulier.

« Nous vivons dans un monde très sexualisé, particulièrement aux États-Unis, où la pornographie a maintenant une influence très importante dans la psyché des jeunes générations. Ça se reflète notamment dans le monde de la musique pop. »

« Jocelyn est une performeuse dans tous les aspects de sa vie, pas seulement sa vie professionnelle, a ajouté Lily-Rose Depp. Même la façon dont elle s’habille révèle quelque chose d’elle en permanence. La nudité occasionnelle du personnage fait aussi écho à sa transparence émotionnelle. »

De fausses rumeurs

À une question d’un journaliste qui lui rappelait le reportage du magazine Rolling Stone évoquant une production chaotique qui a fait face à de multiples problèmes, Sam Levinson a nié toutes les prétendues intrigues de coulisses.

« Quand ma femme m’a fait lire l’article, je l’ai regardée en lui disant : “Je crois qu’on a le plus gros show de l’été !” Nous sommes bien conscients que notre série est provocante. Mais ces allégations me sont complètement étrangères. Mon seul regret est qu’ils ont intentionnellement omis dans leur article toutes les choses qui ne cadraient pas avec l’histoire qu’ils avaient envie de raconter. »

PHOTO ERIC GAILLARD, REUTERS

Au lendemain de la première officielle de The Idol, Sam Levinson, Lily-Rose Depp et Abel The Weeknd Tesfaye étaient un peu plus décontractés…

Lily-Rose Depp a renchéri : « Il est toujours un peu triste et décourageant de lire des choses méchantes et fausses à propos de quelqu’un envers qui vous avez de l’affection. Cela ne reflétait pas mon expérience du tout. »

Quoi qu’il en soit, l’équipe fut longuement ovationnée lors de la projection officielle tenue lundi, et Sam Levinson, fils de Barry (Rain Man), en a été très ému.

« C’était comme l’un de mes plus grands rêves qui se réalisait. Quand j’avais 10 ans, je ne connaissais rien de Cannes, mais j’ai entendu que Pulp Fiction avait gagné la Palme d’or. Cela m’a frappé l’esprit, même si j’étais trop jeune pour avoir le droit de regarder le film de Tarantino. C’est grâce à Cannes que j’ai commencé à m’intéresser au cinéma français et au cinéma international. »

The Idol sera diffusée le 4 juin sur la chaîne HBO/Crave.