(Busan) Retour à Séoul, candidat du Cambodge aux prochains Oscars, a été tourné en Corée du Sud par un réalisateur franco-cambodgien avec une vedette d’origine coréenne. Le film, qui bouscule les clichés sur l’adoption, est difficile à classer, et c’est précisément le but, explique son réalisateur Davy Chou à l’AFP.

L’œuvre raconte l’histoire de Freddie, une Française adoptée d’origine coréenne qui, lunatique et sans complexes, se lance à 25 ans dans une quête pour retrouver ses parents biologiques.

Freddie se bat constamment contre « les gens qui veulent toujours la mettre dans une case, (qu’elle) soit considérée comme Française ou Coréenne ou adoptée », explique M. Chou à l’AFP.

Au récent festival du film de Busan, en Corée du Sud, beaucoup de spectateurs ont eu du mal à identifier « l’origine ou la nationalité du film », ce qui est justement le but recherché, poursuit-il.

Ce conte multiculturel a été tourné en Corée du Sud — du quartier d’Itaewon à Séoul à la ville de Jeonju, dans le sud du pays — avec une équipe coréenne et européenne, un scénario écrit à l’origine en français, et sur une musique des années 1960 de Shin Jung-hyeon, légende du rock psychédélique sud-coréen.

Né en France il y a 39 ans dans une famille d’immigrés cambodgiens, Davy Chou a découvert à l’adolescence que son grand-père avait été l’un des principaux producteurs de films au Cambodge dans les années 1960.

À l’âge de 25 ans, à l’instar de Freddie, il avait effectué dans ce pays d’Asie du Sud-Est un voyage qui avait transformé sa vie.

Double identité

Il vit aujourd’hui au Cambodge, et affirme que son travail est influencé par sa propre expérience de la « question de la double culture et de la double identité, et de comment on y fait face ».

L’intrigue de Retour à Séoul est aussi inspirée de l’expérience de Davy Chou, qui a un jour accompagné une amie, adoptée d’origine coréenne, dans un voyage pour retrouver ses parents biologiques.

Retour à Séoul prend à rebrousse-poil les clichés circulant en Corée du Sud au sujet de l’adoption, notamment le spectacle des retrouvailles déchirantes et apparemment réconfortantes entre parents biologiques et adoptés présentées à plusieurs reprises à la télévision nationale.

Il pointe également du doigt l’absurdité des lois sud-coréennes en matière d’adoption, qui privilégient le droit à la vie privée du parent biologique par rapport aux droits de l’adopté, et obligent l’agence nationale chargée des adoptions à communiquer avec les familles exclusivement par télégramme, à l’ancienne.

PHOTO YELIM LEE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le complexe personnage principal de Retour à Séoul est impeccablement interprété par Park Ji-min, qui, comme Freddie, est née en Corée du Sud, mais a grandi en France.

Le complexe personnage principal du film est impeccablement interprétée par Park Ji-min, qui, comme Freddie, est née en Corée du Sud, mais a grandi en France.

Pour Mme Park, qui s’est installée en France avec sa famille à l’âge de neuf ans, le film a été une rare occasion de créer le type de personnage de femme asiatique qu’elle souhaite voir plus souvent dans le cinéma français.

« Obéissantes et accommodantes »

En France, les femmes asiatiques sont encore très majoritairement considérées comme « obéissantes, accommodantes à ce que disent les hommes, et consignées au foyer », dit-elle à l’AFP.

« En tant que femme asiatique, je suis immensément fière d’avoir joué un personnage féminin aussi rare dans un film français », ajoute-t-elle.

Freddie se montre souvent féroce et directe, même lors de ses retrouvailles traumatisantes avec la famille de son père biologique.

Retour à Séoul met également en vedette certains des acteurs sud-coréens les plus appréciés, notamment Oh Kwang-rok et Kim Sun-young, qui interprètent la famille coréenne de Freddie, bien intentionnée, mais complètement dépassée par les évènements.

Selon le programmateur du Festival du film de Busan, Park Sung-ho, même si l’œuvre de Davy Chou n’est pas sud-coréenne sur le plan juridique (la plupart de ses financements proviennent d’Europe), elle est « clairement un film coréen ».

« Nous vivons à une époque où la définition du cinéma coréen s’élargit sans cesse », dit-il à l’AFP. « Le thème de l’adoption est présent en Corée du Sud depuis des décennies, et si un réalisateur coréen avait fait ce film, il aurait peut-être été plutôt ennuyeux ».

Pour lui, « il nous fait regarder ce que nous pensions être d’une manière différente. C’est ce que Retour à Séoul réussit à faire ».