(Cannes) N’ayant jamais joué dans les films dont il signe la réalisation, Sean Penn a fait une exception pour Flag Day, drame sur la relation entre un père et sa fille, dans lequel il donne lui-même la réplique à sa propre fille Dylan. Il a bien fait.

Cinq ans après avoir vécu le genre de cauchemar que tout cinéaste redoute à Cannes, Sean Penn est de nouveau en lice pour la Palme d’or grâce à Flag Day, film inspiré d’un récit autobiographique de la journaliste et écrivaine Jennifer Vogel. Rappelons qu’en 2016, Sean Penn s’est amené sur la Croisette avec The Last Face, l’un des plus attendus de la sélection cette année-là, avec, comme têtes d’affiche, Charlize Theron, Javier Bardem et Jean Reno.

Le long métrage s’est pourtant révélé être l’un de ces accidents dont personne ne peut comprendre les raisons pour lesquelles ils surviennent. Le fait est que The Last Face, probablement l’un des plus mauvais films jamais présentés en compétition à Cannes au cours des 20 dernières années, est disparu de la circulation pendant un long moment avant d’être récupéré par une société de distribution américaine marginale. Il convient également de rappeler qu’à cette époque, les films étaient montrés en matinée aux journalistes avant la projection officielle du soir. Pour Sean Penn, dont l’offrande avait été assassinée dès la fin de la séance destinée à la presse, la montée des marches fut, on peut le comprendre, une lourde épreuve.

Comme un retour aux sources

Se donnant pour la première fois un rôle dans un film qu’il réalise, le réalisateur d’Into the Wild se refait une santé cannoise grâce à Flag Day. Ce long métrage lui donne l’occasion non seulement de retourner aux sources en proposant une histoire bien ancrée dans l’ADN de l’Amérique, mais aussi de donner la réplique à Dylan Penn, sa fille. Flag Day est en effet construit autour d’une relation entre un père et une fille qui, devenue adulte, découvre que celui qu’elle vénérait enfant ne correspond pas à l’image qu’elle aurait bien voulu en garder.

D’abord campé dans les années 1970, s’étalant ensuite sur une vingtaine d’années, le récit relate comment ce père non conventionnel, interprété par un Sean Penn dont les traits ont été rajeunis numériquement, savait créer un monde de fantaisie pour ses enfants.

À telle enseigne que dans une période de crise familiale, les deux gamins ont préféré quitter leur mère – et son nouveau conjoint – pour aller vivre avec celui qu’ils voient comme un grand générateur d’aventures de toutes sortes.

PHOTO FOURNIE PAR METRO-GOLDWYN-MAYER

Dylan Penn tient le rôle féminin principal dans Flag Day, film réalisé par Sean Penn.

Menant secrètement une double vie, John Vogel, l’un des plus grands braqueurs de banque et faussaires de son époque, verra la réalité le rattraper. Penn s’attarde ainsi à décrire l’impact de la désillusion auprès des enfants, tant dans leur jeune âge qu’à l’âge adulte. À noter que le frère de Jennifer, Nick, est interprété par Hopper Penn, fils de Sean et frère de Dylan.

Un acteur d’exception

PHOTO JOHANNA GERON, REUTERS

Dans Flag Day, Sean Penn a l’occasion de donner la réplique à sa fille Dylan. Le film est en lice pour la Palme d’or.

Au-delà de l’histoire, forcément touchante, Flag Day se distingue grâce à l’approche qu’emprunte Sean Penn. Bien que tourné au Manitoba, ce drame familial, dont on pourrait croire au début qu’il est tourné par Terrence Malick, suinte l’« americana » dans tous ses plans, tant au chapitre des images que de l’atmosphère. Ponctuée de chansons folk, la trame musicale est en outre enrichie par des compositions originales de Cat Power, Glen Hansard, et, pour reprendre le motif scénaristique de cette histoire de famille, d’un duo père-fille entre Eddie et Olivia Vedder.

Aussi, Flag Day nous permet d’apprécier à quel point Sean Penn est un acteur d’exception. Même s’il déclare ne plus jamais vouloir porter les deux chapeaux dans un film dont il signe la réalisation, il aurait vraiment tort de se priver de cet aspect de son talent.