Après la disparition brutale de Laurent Cloutier, son personnage dans District 31, Patrick Labbé a eu envie de profiter d’un moment pour se refaire une forme, s’entraîner, cesser de fumer, bref, tout le contraire de ce que vit le personnage malade qu’on lui a offert de jouer dans Les vieux chums, le nouveau long métrage de Claude Gagnon. Pour le cinéaste, et avec la complicité de son ami Paul Doucet, l’acteur a dû revoir ses plans…

Quand il a reçu par courriel le scénario des Vieux chums, Patrick Labbé l’a lu une première fois. Puis une deuxième. Il l’a ensuite mis de côté, un peu comme s’il avait décidé de le laisser passer, sans vraiment le refuser fermement.

« Je n’étais pas dans ce mood-là pantoute ! confie l’acteur au cours d’un entretien accordé récemment à La Presse. J’avais envie d’énergie et voilà que cette histoire m’entraînait dans une zone où je ne souhaitais pas vraiment aller. Mais Claude [Gagnon], que je ne connaissais pas, a insisté pour me donner rendez-vous. Cette rencontre a été déterminante au point que j’ai changé mon fusil d’épaule. Quand il m’a dit songer à Paul [Doucet] pour jouer le rôle du meilleur ami, ça m’a convaincu. »

Les vieux chums est en partie inspiré de l’amitié qu’ont partagée depuis l’enfance Claude Gagnon et Luc Matte. Ce dernier reste connu des cinéphiles pour avoir interprété le personnage principal de Visage pâle, film que le réalisateur de Karakara a tourné en 1985. Trois ans auparavant, l’acteur était aussi de Larose, Pierrot et la Luce, le deuxième long métrage du cinéaste. Luc Matte est mort d’un cancer il y a 13 ans.

Un film sur l’amitié

Dans ce premier film que le réalisateur de The Kid Brother (Kenny) tourne en français depuis, justement, Visage pâle, le personnage qu’incarne Patrick Labbé, prénommé Pierrot, est atteint d’un cancer incurable alors qu’il vient à peine de franchir la cinquantaine. Il revient ainsi à Saint-Hyacinthe, sa ville natale, pour retrouver son monde, notamment Jacques, un vieil ami. Ce dernier l’accompagnera dans cette dernière portion du trajet, malgré les difficultés qui peuvent surgir dans de telles circonstances.

C’est davantage un film sur l’amitié. Je voulais montrer comment la mort peut parfois aider ceux qui restent à apprendre à mieux vivre.

Claude Gagnon, réalisateur

Ces résonances très personnelles entre l’histoire des Vieux chums et celle qu’a vécue le cinéaste, qui a signé seul son scénario, n’ont toutefois pas été révélées d’emblée aux acteurs. Ce n’est qu’au moment du tournage des scènes du dernier acte, qui se déroule au Maroc, que Patrick Labbé a pu saisir la charge émotive intime qu’a mise Claude Gagnon dans cette histoire.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Claude Gagnon et les comédiens de son film Les vieux chums : Paul Doucet, Patrick Labbé et Hassan El Fad

« Claude ne faisait jamais référence à sa propre expérience, mais ses indications étaient toujours très précises, pertinentes. Il a tenu à ce que l’atmosphère sur le plateau reste agréable, jamais lourde, et il nous guidait chaque fois vers quelque chose de lumineux. L’impression qu’il m’a laissée lors de notre toute première rencontre s’est confirmée au tournage. Claude a quelque chose de rassurant, d’intrigant aussi. J’avais l’intuition de pouvoir suivre ce gars-là et de partager avec lui une certaine amitié. »

Des liens affectifs

Incarner un homme du même âge dont les jours sont comptés confronte forcément un acteur aux choses essentielles de la vie. Il fallait aussi trouver la manière d’être juste et éviter les clichés. Patrick Labbé ne voulait surtout pas tomber dans la caricature du malade en fin de vie, tel qu’on l’imagine souvent au cinéma.

Pierrot en est à l’étape où il passe par-dessus la colère, la tristesse et la peur. Comme s’il était résigné. La mise en bouche des dialogues et des scènes a pour moi vraiment pris son sens quand je les ai joués avec Paul. Je n’avais pas saisi la nature de cet accompagnement salutaire à la première lecture ni détecté cette lumière.

Patrick Labbé, comédien

Autrement dit, l’affection que l’acteur vouait au cinéaste et à son partenaire de jeu, avec qui il avait déjà créé des liens il y a plusieurs années lors du tournage à Halifax de la série Octobre 70, fut l’un des éléments décisifs pour lui faire finalement accepter le rôle. Et s’abandonner en allant explorer des zones où il n’avait pas vraiment envie d’aller au départ.

« Un rôle comme celui-là, où tu dois côtoyer la maladie et la mort, te propulse forcément dans un état particulier et te pousse à réfléchir sur le sens de la vie. On ne peut pas allumer et éteindre ce genre de chose en soi aussi facilement qu’un interrupteur. Même si Claude a fait en sorte que ce voyage de cinq ou six mois soit lumineux, il reste qu’on se retrouve quand même en eau trouble. Je peux dire que mes enfants étaient contents quand le tournage a pis fin ! », affirme Patrick Labbé dont le rôle de père – il a six enfants – passe avant tout.

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4:3

Paul Doucet et Patrick Labbé dans Les vieux chums, film de Claude Gagnon

« Je suis choyé, continue-t-il. Ma vie familiale exige beaucoup d’organisation et comme je suis toujours dans l’action, je m’en inspire pour mon approche professionnelle aussi. Je me sens privilégié, j’ai de beaux projets, je fais de belles rencontres, et j’apprends sur moi. »

Patrick Labbé pilote actuellement une série documentaire inspirée par les ateliers de théâtre destinés aux adolescents qu’il organise depuis plusieurs années dans les camps de vacances. Une diffusion sur le réseau TVA pourrait avoir lieu.

Les vieux chums prendra l’affiche le 21 mai.