(Hollywood) Le tapis rouge est déployé, les statuettes dorées reluisent : la fameuse soirée des Oscars marquera dimanche l’apothéose de la saison des prix cinématographiques à Hollywood, où le film 1917 a cette année toutes les chances de collectionner les honneurs.

La cérémonie devrait aussi être l’occasion de saluer la mémoire de Kirk Douglas, considéré comme un des derniers monstres sacrés d’Hollywood et décédé mercredi à l’âge de 103 ans. Malgré la gloire, les succès et trois nominations dans les années 1950, la vedette n’avait jamais obtenu d’Oscar, un « oubli » que l’Académie devrait avoir à cœur de tenter de réparer par un hommage particulier.

Favori de cette édition, le réalisateur britannique Sam Mendes est pourtant entré en campagne bien tardivement. Son film a été diffusé aux électeurs de l’Académie voici à peine deux mois, mais les experts donnent malgré tout 1917 favori dans plusieurs catégories prestigieuses.

Long métrage intense mettant en scène l’équipée désespérée de deux jeunes soldats durant la Première Guerre mondiale, construit comme un plan-séquence long de deux heures, 1917 a déjà multiplié les victoires cette saison, tant aux Bafta britanniques qu’aux Golden Globes hollywoodiens.

« Ça rentre dans la rubrique traditionnelle pour Hollywood, c’est ce que les Oscars apprécient », déclare à l’AFP Tim Gray, spécialiste des prix cinématographiques pour le magazine Variety.

« C’est grand, c’est épique, mais ça n’utilise pas les vieilles recettes. C’est vraiment un film coup de poing, le cinéma dans ce qu’il a de meilleur », estime-t-il.

Il a beau être grand favori, 1917 n’est pas pour autant assuré de gagner l’Oscar du meilleur film, attribué via un étrange et complexe mode de scrutin « préférentiel » à plusieurs tours qui brouille les pronostics et fait parfois élire un outsider.

Si The Irishman de Martin Scorsese et Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino sont sur les rangs, le principal rival de Sam Mendes semble être le Sud-Coréen Bong Joon-ho et son film Parasite.

Déjà Palme d’or au Festival de Cannes, cet hybride de comédie familiale déjantée et de thriller sombre est devenu l’un des chouchous de la critique américaine.

Il est donné largement favori pour la catégorie du meilleur film étranger, dans laquelle il affrontera notamment dimanche Les Misérables du Français Ladj Ly, mais pourrait s’imposer dans d’autres catégories majeures.

Phoenix et Zellweger

PHOTO JOEL C RYAN, JOEL C RYAN/INVISION/AP

Pour les critiques, les jeux sont déjà faits : c’est Joaquin Phoenix qui doit gagner la statuette du meilleur acteur pour Joker. On le voit ici avec le réalisateur de Joker, Todd Phillips (à gauche).

Coup de chance pour leurs concurrents, ni 1917 ni Parasite n’alignent de vedettes internationales à leur distribution, leur laissant ainsi le champ libre pour les prix décernés aux acteurs.

Pour les critiques, les jeux sont déjà faits : c’est Joaquin Phoenix qui doit gagner la statuette du meilleur acteur pour Joker, tandis que Renée Zellweger sera primée pour Judy.

Les deux comédiens ont été transfigurés par l’interprétation de leur personnage, antihéros traumatisé et psychotique pour Phoenix ; Judy Garland en enfant prodige d’Hollywood devenue grande pour Zellweger.

Côté seconds rôles, c’est Brad Pitt en cascadeur tranquille (Once Upon a Time...) et Laura Dern en avocate impitoyable et manipulatrice (Marriage Story) qui ont le vent en poupe.

« Je ne vois pas un scénario dans lequel l’un d’entre eux perd », résume pour l’AFP Pete Hammond, expert du site spécialisé Deadline.

« Les gens diront “les Oscars réservent toujours des surprises” mais je crois que ces quatre-là vont gagner », abonde Tim Gray.

Les Oscars pour le scénario et les catégories techniques s’annoncent plus disputés, au sein d’une joyeuse mêlée mettant aux prises la satire de l’Allemagne hitlérienne Jojo Rabbit, la relecture féministe du film d’époque Little Women et même les superhéros d’Avengers : Endgame.

Comme d’habitude ?

Il faudra attendre dimanche à 17 h heure locale pour connaître le choix des quelque 8500 membres de l’Académie des arts et sciences du cinéma appelés à voter.

Organisée en plein cœur de Hollywood, au Dolby Theater, et retransmise en direct par les télévisions du monde entier, la cérémonie se déroulera cette année encore sans animateur en titre, mais avec une kyrielle de vedettes se succédant au micro : les vétérans Tom Hanks, Jane Fonda et Diane Keaton, ou des jeunes diplômés comme Brie Larson, Olivia Colman et Rami Malek.

Elton John, favori pour l’Oscar de la meilleure chanson cette année, chantera sur scène, de même que la jeune sensation des Grammy Awards Billie Eilish.

La fête n’échappera toutefois pas aux habituelles critiques sur le manque de diversité des Oscars : hormis la Britannique Cynthia Erivo (Harriet), tous les acteurs et actrices en lice cette année sont blancs et aucune femme n’a été retenue chez les réalisateurs.

« Je n’appellerais pas ça #OscarSoWhite (OscarsSiBlancs) mais plutôt #OscarsAsUsual (OscarsCommeD’habitude) », ironise Peter Hammond en référence au mot-dièse utilisé sur les réseaux sociaux pour dénoncer cette sous-représentation des minorités. « Un film britannique surgit et gagne, encore quatre acteurs blancs… On pourrait croire que ce sont les Oscars d’il y a trente ans ».