Avec Chute libre, la chorégraphe Dana Gingras propose un film immersif et vertigineux qui explore les multiples ramifications de l'idée de la chute, en collaboration avec Marie Brassard, qui signe et narre le texte. La Presse a assisté à l'une des dernières étapes de sa création.

Produit par Catherine Chagnon (Microclimat Films), Chute libre sera présenté dans la Satosphère, le dôme multimédia de la Société des arts technologiques (SAT), du 2 au 27 avril. Fruit d'un travail de longue haleine qui aura duré près de quatre ans, la proposition se veut une plongée dans les thèmes chers à la chorégraphe établie à Montréal : la chute, le vertige, la gravité.

«L'idée est de donner au spectateur une expérience viscérale. Je voulais faire un projet sur la chute parce que c'est au coeur de ma démarche artistique en tant que chorégraphe, avec un système que j'appelle "falling body"», explique Dana Gingras, rencontrée au début de la semaine à la SAT alors que l'équipe fignolait les derniers détails avant le début des projections.

«La gravité est ce que nous partageons tous. En danse, on travaille souvent contre la gravité. Mais quel type d'effort faut-il pour être capable de rester debout, en position verticale? Car essentiellement, on est toujours en train de tomber.»

Lancé dans le cadre du programme de création d'oeuvres en résidence de la SAT, le projet prend la forme d'un film immersif d'animation de 32 minutes, en français et en anglais, narré par Marie Brassard, complice de longue date de la chorégraphe.

Allongé au sol, dans le dôme de la Satosphère, le spectateur est happé, voire englouti, par le mouvement circulaire des corps en chute, appuyé par la forme récurrente de la spirale, créant un vortex infini qui trouble la notion d'espace et de temporalité et induit la sensation de vertige. La voix de Brassard, hypnotique, accompagne l'action, évoquant une chute infinie, au ralenti, du haut d'un gratte-ciel.

«On s'est intéressées aux états transitoires; celui entre l'éveil et le rêve, entre être debout et au sol, entre la vie et la mort. La narration de Marie, qui n'est pas linéaire mais poétique, nous amène dans cet entre-deux.»

«J'ai beaucoup été inspirée par ces idées de tomber amoureux, de basculer dans l'état de rêve, le concept d'abandon, mais sur le plan métaphorique. Le film évoque cette difficulté de se laisser aller dans l'inconnu, complètement et totalement. De se laisser tomber à la fois dans la mort, mais aussi dans la vie», complète Marie Brassard.

Du rêve à la réalité

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Chute libre sera présenté dans la Satosphère, le dôme multimédia de la Société des arts technologiques (SAT).

L'idée était belle. Encore fallait-il la réaliser. Comment? Dana Gingras, Marie Brassard et Catherine Chagnon éclatent de rire en entendant cette question. On sent que la route a été longue, mais aussi exaltante.

«L'idée était de trouver une façon de créer avec ces nouveaux outils technologiques, qui sont en expansion. Nous sommes vraiment parties d'une intention et il a fallu convaincre les bailleurs de fonds, comme la SODEC, d'embarquer, même si c'était difficile de comprendre quel serait le résultat final!», explique Mme Chagnon, qui espère maintenant pouvoir transposer le film sur d'autres plateformes afin de le faire voyager.

Pour commencer, des capteurs de mouvements ont été installés sur les corps de deux interprètes, Esther Rousseau-Morin et Sovann Rochon-Prom Tep, et d'un artiste de la trampoline, Olivier Lemieux.

«Nous avons beaucoup travaillé avec des chorégraphies au sol, en plus de celles avec la trampoline, qui donne cette impression de suspension», détaille la chorégraphe.

Josh Sherrett (The Workshop), directeur artistique et responsable de l'animation 3D, a ensuite pu transposer ces silhouettes humanoïdes dans la réalité virtuelle, en créant un univers animé dominé par la figure de la spirale. Des corps androgynes, presque plastiques, qui s'éloignent du réalisme pour accentuer cette idée de basculement dans une autre réalité.

«Je n'avais aucune idée de ce dans quoi je m'embarquais en faisant ce projet! Dans un sens, c'était également une chute libre sur le plan créatif», dit Dana Gingras.

À la Satosphère de la SAT du 2 au 27 avril

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Catherine Chagnon, Dana Gingras, Josh Sherrett et Marie Brassard