Des centaines de participants et des firmes spécialisées en effets visuels et en animation étaient réunis à l'occasion de l'événement effects MTL, qui se tenait mercredi et hier au Palais des congrès de Montréal. Les artisans de l'industrie - notamment ceux qui ont travaillé sur X-Men - Apocalypse, Deadpool et Game of Thrones - ont fait partager leur savoir-faire aux congressistes, dont plusieurs travaillent à Montréal, actuellement quatrième chef de file mondial en effets visuels.

Avec 36 studios au Québec (surtout à Montréal), 2500 employés et une explosion des ressources prévues de 80 % d'ici 2020, l'industrie des effets visuels est présentement prise avec un fichu beau problème : le recrutement.

« Il n'y a pas assez de finissants qui sortent des écoles pour combler nos besoins. L'industrie va pratiquement doubler d'ici les deux, trois prochaines années », résume Chloé Grysole, présidente de la filiale montréalaise du géant londonien Cinesite, le studio derrière la magie d'Harry Potter, James Bond et The Revenant d'Alejandro González Iñárritu, notamment.

Avec Londres et Los Angeles, le Canada est devenu un acteur majeur de l'industrie, où les contrats sont répartis entre Vancouver, Toronto et Montréal. « On a choisi Montréal parce que beaucoup de gens se démarquent dans le domaine, avec les logiciels, et les écoles sont réputées. Les crédits d'impôt sont aussi super ! », énumère Mme Grysole.

La filiale québécoise, en plein essor, a également reçu en mars dernier un prêt de 2,4 millions de dollars d'Investissement Québec pour la création de 500 emplois d'ici 2020.

« On était trois à l'ouverture de la filiale il y a deux ans. On est présentement 225 et on va tripler dans les prochaines années », résume Chloé Grysole, dont l'équipe a récemment travaillé sur le prochain Independence Day, en plus d'être récompensée pour The Revenant

« C'était super bon pour l'industrie parce qu'il n'y avait pas d'explosions ou de vaisseau spatial. Pour une rare fois, les effets visuels étaient invisibles et contribuaient à faire avancer l'histoire. »

- Chloé Grysole, à propos du prix reçu par Cinesite pour son travail sur le film The Revenant 

EFFERVESCENCE MONDIALE

Depuis quelques années, tous les plus gros studios du monde ont un bureau à Montréal, explique Marine Lelièvre, directrice et instigatrice d'effects MTL.

Elle cite Cinesite (The Revenant), Atomic (Deapool), Framestore (The Martian, Paddington), pour ne nommer que ceux-là.

Outre les crédits d'impôt et le taux de change avantageux, elle ajoute que la qualité des lieux de tournage, le talent et la diversité des écoles contribuent à cette effervescence. Un engouement qui se traduit par des participations à une quinzaine de grosses productions par année et des retombées économiques importantes. Elle a offert cette année une visite des installations actuelles à une quarantaine de producteurs internationaux qui prennent part au congrès. Un succès, selon elle. « De gros studios sont venus magasiner pour leurs prochains films », souligne Mme Lelièvre, sans pouvoir entrer dans les détails.

À entendre la directrice, le problème de recrutement demeure la seule ombre au tableau, malgré la qualité des écoles québécoises. « Il faudrait fluidifier le recrutement des travailleurs étrangers. En attendant, les studios doivent collaborer entre eux pour échanger des ressources. »

LA TOUCHE QUÉBÉCOISE DANS GAME OF THRONES

Parmi les studios internationaux qui prennent Montréal d'assaut, une boîte bien de chez nous tire son épingle du jeu et s'affiche comme la plus grosse société indépendante au Québec.

RodeoFX, qui fête ses 10 ans cette année, a ouvert ses portes avec une poignée d'employés pour gravir rapidement les échelons de l'industrie. « On était sept au début et là, on est 350, avec des bureaux à Québec et à Los Angeles », explique le directeur de l'intégration numérique Laurent Spillemaecker.

Le studio a travaillé notamment sur Birdman, en plus d'avoir été récompensé pour ses effets visuels dans la série à succès Game of Thrones.

Pour les fans, le studio québécois a notamment signé plusieurs effets sur la grande pyramide de Meereen, la cité de Volantis et celle de Valyria.

« L'environnement est maintenant tout fait en 3D, chaque séquence nécessite beaucoup de travail, chaque pierre est sculptée virtuellement », illustre M. Spillemaecker, également d'avis qu'il faudrait faciliter la délivrance de permis de travail à l'étranger pour pallier les besoins.

Enfin, Laurent Spillemaecker voit la concurrence de plus en plus féroce entre les studios d'un bon oeil, car il estime qu'elle a pour effet de créer un buzz autour des effets visuels à Montréal.

Difficile de ne pas le ressentir en parcourant les couloirs du Palais des congrès, notamment à l'intérieur de la salle d'exposition qui avait des airs de salon de l'emploi à en juger par les offres de travail placardées devant plusieurs kiosques.

VU À EFFECTS MTL

LA RÉVOLUTION DEADPOOL

La grande salle était pleine mardi matin pour entendre le cofondateur d'Atomic Fiction Ryan Tudhope parler des effets visuels révolutionnaires réalisés sur le film de superhéros à succès de Tim Miller. Le début d'une nouvelle ère, apparemment, puisque plusieurs environnements ont été créés virtuellement à 100 %. M. Tudhope a disséqué pour le public la scène d'ouverture du film - une poursuite automobile - pour montrer concrètement la magie des effets visuels. Des déchets sur le sol, une rambarde sur le viaduc, une pancarte, etc. : comme le dit l'expression, le diable semble vraiment dans les détails. Si bien que Tudhope a parlé de l'importance d'intégrer volontairement quelques imperfections... pour ajouter du réalisme. « Le film est au-dessus de la mêlée et on ne réalise pas qu'il est fait en CG [computer graphics] », explique Olivier Péloquin, un participant au congrès qui travaille chez Alchemy24.

LE SUCCÈS DES X-MEN

Évidemment, tout le monde bombe un peu le torse lorsqu'il est question du nouveau X-Men, qui a été fait presque en totalité au Québec. Pas banal lorsqu'on sait que la superproduction est en tête des box-offices presque partout dans le monde. « Ici, les choses sont bien rodées et ça rend la ville attrayante », a souligné Matt Sloan, qui a supervisé les effets visuels du film pour 20th Century Fox. Ses deux collaborateurs et lui sont revenus sur leur expérience devant une salle pleine en fin de journée. « Plusieurs scènes, comme la transformation d'Angel, étaient complexes à réaliser, mais c'est justement ce qui rend le travail stimulant », a souligné l'un d'eux, Anders Langlands.

COMMENT SÉDUIRE HOLLYWOOD

Comment réussir sa présentation de vente à Hollywood et goûter au Saint-Graal des grandes productions ? Voilà le thème d'une conférence fort courue, à laquelle participaient des panélistes de renom établis à Los Angeles. « Aujourd'hui, le monde a rapetissé, on peut confier des boulots à différents endroits. Ça prend donc de la vitesse et de la qualité », explique Shane Reid, de MRC Studios, qui a notamment travaillé sur l'excellente série américaine Fringe. « Nous sommes accessibles, mais faites cependant vos devoirs au sujet de l'entreprise où vous voulez travailler », ajoute-t-il. « J'encourage les gens à envoyer des courriels aux studios. C'est comme ça que j'ai moi-même décroché mon emploi », explique pour sa part Blanca Lista, de Jim Henson Co.

LA RÉALITÉ VIRTUELLE

Il y avait foule mercredi matin pour l'ouverture du congrès. Des jeunes pour la plupart, dont plusieurs travaillent dans des boîtes d'effets visuels ou sont aux études. En dehors des conférences, il était possible de vivre une expérience de réalité virtuelle, grâce à l'expertise du Centre de développement et de recherche en imagerie numérique du cégep de Matane. En gros, on devait porter un casque et des gants, puis accompagner une employée portant un costume truffé de capteurs de mouvements dans un voyage virtuel menant à des univers 100 % créés à l'ordinateur. Au moyen d'un ascenseur imaginaire, on s'est notamment retrouvé dans une bibliothèque et un monde fantastique de jeux vidéo, où le vertige et les cris d'oiseaux semblent particulièrement réels. Côté sensations, il faut le vivre, même si on a l'impression d'être un peu ivre à cause d'un petit décalage entre nos mouvements et l'action.