Londres, 1935: Le roi George V occupe le trône d'Angleterre. Son fils Édouard, le Prince de Galles, fréquente Wallis Simpson, une Américaine divorcée et mariée à un homme d'affaires. La relation déplait «souverainement» à la famille royale.

Cet été là, Édouard se présente à l'improviste chez le concessionnaire automobile Lendrum & Hartman Limited, rue Albemarle, à Londres, pour y commander une Buick. Étrange décision de la part d'un membre de la famille royale britannique que de vouloir une voiture américaine. La raison? D'une part, on dit qu'Édouard était persuadé qu'un constructeur américain lui livrerait la voiture exactement comme il la voulait, tandis que les Britanniques ne pourraient pas s'empêcher d'aménager la voiture à leur façon... Et d'autre part, c'est dans une McLaughlin-Buick spécialement aménagée que le Prince de Galles avait effectué sa visite au Canada en 1927, une expérience qu'il avait sans doute très apprécié.

La commande détaillée du prince est donc portée en mains propres par un certain Merle Armstrong à l'usine GM, à Oshawa, en Ontario. Armstrong restera au Canada «pour surveiller la réalisation de la voiture». La commande précisait que la voiture devait pouvoir «transporter deux passagers dans le confort et l'intimité et comprendre les équipements suivants: coffret pour boissons, miroirs de courtoisie, tablettes d'écriture, radio, coffret pour cigares et cigarettes, coffret de bijoux, casiers pour repas légers et un tiroir pouvant loger le bottin téléphonique de Londres...»

En janvier 1936, le roi George V décède. Édouard hérite alors du trône. Un mois plus tard, la nouvelle voiture d'Édouard VIII est livrée à Londres, accompagnée d'un préposé permanent chargé de son entretien.

Mais Édouard est dans le pétrin car sa relation avec Madame Simpson - qu'il visite souvent en se déplaçant à bord de sa McLaughlin-Buick, tous rideaux tirés - fait les manchettes. La situation se transforme en crise constitutionnelle lorsqu'on apprend qu'Édouard a l'intention d'épouser Wallis Simpson. Une divorcée reine d'Angleterre! How shocking!

Le 10 décembre 1936, le roi monte à bord de sa McLaughlin-Buick et se rend à Downing Street, la résidence officielle du premier ministre Stanley Baldwin, pour lui annoncer qu'il allait renoncer au trône d'Angleterre, une décision qu'il confirme lors d'un discours à la nation prononcé sur les ondes de BBC Radio.

«Je me trouve dans l'impossibilité d'assumer comme je le souhaiterais les lourdes responsabilités et mes devoirs de roi sans le soutien et l'aide de la femme que j'aime...» Telles furent les paroles d'Édouard-le-romantique qui épousa Wallis Simpson au Château de Candé, à Monts, en France, le 4 mai 1937.

Et c'est précisément «la plus romantique voiture au monde» qui passe ce matin entre les mains de l'encanteur Bonhams, à Londres. Vous saurez la suite la semaine prochaine.

McLaughlin, une marque canadienne

Robert McLaughlin construit des voitures à chevaux à Oshawa, en Ontario. Au début du siècle dernier, la qualité de son travail lui vaut une réputation grandissante qui dépassera bientôt les frontières du Canada. Ses fils adolescents George et Samuel se joignent à l'entreprise paternelle et c'est le jeune Samuel qui s'intéresse en premier à cette invention récente qu'est l'automobile. Après avoir tenté sans succès de construire sa propre voiture, Sam McLaughlin s'associe à William Durant, établi au Michigan, le plus important fabriquant de voitures à chevaux en Amérique et actionnaire principal de la jeune Buick Motor Company.

Cet accord permet à McLaughlin de se procurer des groupes motopropulseurs Buick (moteurs et transmissions) pour les installer à bord de voitures de sa création. C'est ainsi que sont nées les McLaughlin-Buick. Nous sommes en 1908 et quelque temps après la signature de ce contrat, William Durant crée la General Motors Co. autour de la marque Buick.

La relation d'affaires entre Durant et McLaughlin dure de nombreuses années et celui-ci commence en 1916 à assembler des Chevrolet. S'ensuit en 1918 la dissolution de McLaughlin Motor Car Co. qui devient alors General Motors of Canada.

À leurs débuts, les McLaughlin-Buick se différencient des Buick américaines, entre autre par le style des carrosseries souvent dessinées par Sam McLaughlin. Par la suite, à mesure que les structures en bois sont remplacées par des châssis en acier, les modèles des deux marques se ressemblent de plus en plus et McLaughlin se limite graduellement à la réalisation de voitures sur commande spéciale, la plus célèbre étant sans doute la McLaughlin-Buick du romantique Édouard VIII.

En 1945, à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, les usines réquisitionnées pour l'effort de guerre reprennent la production automobile. C'est alors que la marque McLaughlin disparaît définitivement du catalogue GM.