Quant à l’Amérique, elle subit le même sort, mais pour des raisons commerciales; l’hégémonie incontestée des Trois Grands et leur incessante quête de rentabilité ont étouffé l’élan créatif des Duesenberg, Cord, Cadillac, Lincoln, Packard, Pierce-Arrow, Stutz et autres beautés d’avant-guerre. Mais la passion reste vive dans le coeur des inconditionnels, et c’est grâce à eux que renaissent ces merveilleuses expositions appelées encore de nos jours, tant en français qu’en anglais, «concours d’élégance». Parmi les plus prestigieux, celui de Pebble Beach, en Californie, Meadow Brook, au Michigan, et Amelia Island, en Floride. L’Europe nous en propose plusieurs, dont le plus renommé est sans doute celui de la Villa d’Este, sur les bords du lac de Côme, en Italie.

Certes, il existe aussi un grand nombre d’expositions qui portent le nom de concours d’élégance. Mais vous conviendrez, ne serait-ce que pour donner aux mots leur sens véritable, que l’automobile seule, aussi belle soit-elle, ne suffit pas pour faire un concours d’élégance. Elle doit être accompagnée d’une passagère et d’un conducteur, ou vice-versa, qui se distinguent par leur tenue d’époque où priment la grâce, la beauté et l’élégance.

Dans notre prochaine chronique: Lasalle Sedan 1939

Alfred Capus, journaliste et auteur dramatique élu à l’Académie française en 1914, écrivait: «L’automobilisme n’a pas été un simple événement industriel: il est mêlé désormais, d’une façon intime, à l’histoire de l’élégance contemporaine.» En 1926, Coco Chanel, la Grande Mademoiselle, invente l’intemporelle petite robe noire que la revue Vogue baptise «la Ford Model T» de Chanel. C’est à cette époque qu’artistes, couturiers et carrossiers ont un même regard sur la pureté des lignes, la délicatesse et la perfection et que les concours d’élégance automobile jouent un rôle prépondérant dans l’essor de la carrosserie française. Pourtout, Chapron, Letourneur et Marchand, Saoutchik, Franay, Fernandez et Darrin, Figoni et Falaschi, Labourdette, Grummer, Ettore et Jean Bugatti, Gabriel Voisin, autant de dessinateurs, de sculpteurs, bref, d’artistes dont les oeuvres meublent aujourd’hui les concours les plus huppés de la planète.

Les années folles

C’est donc dans les «années folles» (1920-1930) que le design automobile gagne ses titres de noblesse, s’associant au monde de la haute couture et à celui de l’élégance féminine. «La femme grisée par le désir naissant de liberté, d’égalité, se met en avant, «toilettée» de pied en cap, s’entiche des chiens les plus prisés de l’époque et s’affiche avec fierté au volant de bolides racés, engins au look de plus en plus affiné, raffiné, joyaux de ces rassemblements mondains», lit-on sur Internet.

À la fin des années 30, la guerre tonne une fois de plus en Europe. La construction automobile cède la place à la machine militaire et six ans plus tard, il ne reste pratiquement plus rien des splendeurs roulantes d’antan et de leurs géniaux créateurs. La guerre a tout avalé, notamment en France où l’automobile se convertit, après la guerre, en un objet purement utilitaire. Heureusement pour nous, amoureux d’automobiles, qu’il reste l’Italie et ses quelques artisans qui font revivre le rêve de l’automobile-beauté.

En 1886, Karl Benz et Gottlieb Daimler dévoilent la première voiture sans cheval. La machine «automobile» gagne rapidement du terrain et annonce la disparition à plus ou moins brève échéance des calèches, charrettes, charrues, chariots, carrioles et autres carrosses animés par la seule force musculaire des chevaux.

L’invention ne tarde pas à traverser l’Atlantique et c’est à un certain Henry Ford que l’on doit la popularité de l’automobile. Avec son immortelle Model T, construite au rythme d’une voiture toutes les 10 secondes sur la chaîne de montage de son invention, Ford réussit à mettre sa création à la portée de chaque travailleur de ses usines.

Des deux côtés de l’Atlantique, les constructeurs se multiplient et, inévitablement, se comparent. C’est ainsi que naît la course automobile, qui dicte souvent le succès ou l’échec d’une marque ou d’un modèle. Mais ces prouesses mécaniques sont aussi accompagnées d’une concurrence basée sur le style. Car, comme toute autre création de l’homme, l’automobile peut aussi se faire belle, désirable, artistique. Et c’est à Paris, où les magnifiques carrosses à chevaux défilaient sur les élégants boulevards, que naît un autre type de compétition axée non pas sur la vitesse et la puissance, mais sur le thème de l’automobile, objet d’art. C’est le début des «concours d’élégance».