Anne Charron voulait offrir quelque chose de spécial à son mari pour ses 40 ans. Vincent Duhamel étant un amateur de voitures anciennes, le cadeau était facile à trouver. Pourtant, il fallait lui dénicher une voiture qui sorte de l'ordinaire. Anne a donc mandaté son frère, Jonathan Rivest, qui a découvert une superbe Ford T-5 décapotable. Une Ford quoi?

Anne Charron voulait offrir quelque chose de spécial à son mari pour ses 40 ans. Vincent Duhamel étant un amateur de voitures anciennes, le cadeau était facile à trouver. Pourtant, il fallait lui dénicher une voiture qui sorte de l'ordinaire. Anne a donc mandaté son frère, Jonathan Rivest, qui a découvert une superbe Ford T-5 décapotable. Une Ford quoi?

Une Ford T-5... En fait, la T-5 est une Mustang, un nom qu'il lui est interdit de porter! Un peu d'histoire : au début des années 60, un certain Lee Iaccoca, brillant cadre chez Ford, remarque que les jeunes - ceux que l'on appelle aujourd'hui les baby boomers - sont de plus en plus entichés de voitures sport, notamment des petits roadsters anglais. Mais l'industrie américaine n'a rien à leur proposer. Iaccoca lance donc un projet qui porte le nom de code T-5. Le 17 avril 1964, la Foire internationale de New York est l'hôte d'une présentation hors du commun. Ford y dévoile sa Mustang, une voiture conçue pour répondre aux attentes des baby boomers. Le succès est immédiat et les usines Ford peinent à répondre à la demande qui vient non seulement d'Amérique mais de tous les coins de la planète. Puisque tout le monde veut une Mustang, tout le monde aura une Mustang! Enfin presque...

Le design de la Mustang, d'influence européenne, est particulièrement bienvenu sur le vieux continent. Un des marchés de prédilection de la Mustang est l'Allemagne où sont basés des milliers de militaires américains. Mais il y a un hic, car en Allemagne le nom Mustang est détenu par Krupp, un constructeur de gros camions et des petites motos Kreidler. Ford doit donc s'entendre avec ces deux entreprises avant d'apposer le nom Mustang sur sa séduisante création. Curieusement, les deux compagnies détentrices du nom Mustang acceptent de céder les droits du nom pour 10 000 $, une bagatelle, même en 1964. Encore plus curieusement, Ford refuse de payer la note et préfère baptiser toutes les Mustang vendues en Allemagne T-5, le nom de code du projet initial.

Sur le marché allemand, la Ford Mustang devient donc la Ford T-5, ce qui oblige le constructeur à modifier toutes les pièces qui portent le nom Mustang (moyeu du volant, bouchon du réservoir d'essence, enjoliveurs, documentation, etc.), et ce pendant plusieurs années. Tout ça pour économiser 10 000 $? Curieux. D'autant plus que deux séries de T-5 auraient été expédiées en Allemagne; l'une pour les militaires américains, l'autre pour les résidents du pays, les premières comportant un compteur de vitesse gradué en milles, puisque ces voitures reviendront éventuellement en Amérique avec leurs propriétaires, le transport étant gratuit et les droits de douane abrogés. Les autres T-5 reçoivent un compteur kilométrique, mais les différences entre la T-5 «militaire» et civile ne s'arrêtent pas là : les feux de position sont blancs plutôt qu'ambres comme en Amérique et les phares scellés doivent être remplacés par des phares à ampoule amovible. En fait, c'est tout le système d'éclairage qui doit être repensé. Au début, Ford croit s'en tirer à bon compte en exportant des Mustang de série renfermant dans le coffre toutes les pièces à changer. Mais le gouvernement allemand légifère et, dès 1965, les modifications doivent être apportées à l'usine, ce qui explique qu'à partir de cette année-là les T-5 sont produites en petites séries à l'usine.

Les T-5 sortent des usines Ford de Dearborn, au Michigan, et de Metuchen, au New Jersey. La dualité des noms persiste jusqu'en 1978 (les modèles 1979 construits avant le 31 décembre 1978 portent aussi le nom T-5). Il ne semble pas exister de documentation sur le nombre de T-5 produites entre 1964 et 1978. Les seuls chiffres connus portent sur les années 1967 à 1973 : 1646 «hard top», 1385 Fastback et 600 cabriolets T-5 sont expédiés en Allemagne.

La T-5 de Vincent Duhamel est une version «militaire». On ne sait pas trop comment elle s'est retrouvée au Québec mais une chose est certaine, elle n'était pas tombée entre de mauvaises mains, ayant été entièrement restaurée par François Fontaine, président du club Mustang Montréal.

Même si on ne connaît pas le nombre exact de T-5, il est évident que ces voitures, surtout celles qui roulent encore, sont très rares, ce qui explique qu'elles soient très recherchées et valent facilement 10 % de plus qu'une Mustang correspondante. En somme, faudrait remercier la tête dirigeante qui, un jour, a décidé de ne pas débourser 10 000 $ pour s'approprier le nom Mustang.

--- --- --- --- --- --- --- --- --- --- ---

DANS LE RÉTROVISEUR DE LA FORD T-5 1966

Empattement / longueur / largeur, cm (po): 274 (108) / 466 (184) / 173 (68)

Poids: 1297 kg (2860 lb)

Moteur: V8, 3,7 L (229 po3), 200 ch à 4 400 tr/min, 282 lb/pi à 2 400 tr/min

Consommation: 18 L/100 km (16 mi/gal)

Transmission: manuelle, 3 vitesses

Freins: tambours

Pneus: 6,95 x 14 (195/75R14)

Production 1966: environ 500, incluant coupé, fastback et cabriolets

Prix 1966: environ 2650 $US

Valeur 2007: environ 40 000 $

--- --- --- --- --- --- --- --- --- --- ---

LA MÊME ANNÉE (1966) :

» John Lennon déclare que les Beatles sont plus populaires que le Christ. À l'aube d'une tournée aux États-Unis, ce n'était pas tout à fait ce qu'il fallait dire... Les disques des Beatles sont brûlés sur la place publique et le Ku Klux Klan menace le groupe d'assassinat. Les excuses de Lennon calment les ardeurs.

» Toujours dans le domaine de la chanson mais sur un autre registre, Michel Polnareff enregistre en France La poupée qui fait non.

» Qui a peur de Virginia Woolf? (Who's afraid of Virginia Woolf?) remporte 13 Oscars, dont celui de meilleur film. Richard Burton et Elizabeth Taylor, les interprètes principaux, gagnent les Oscar du meilleur acteur et de la meilleure actrice.

» L'Inde est en proie à sa plus grande famine en 20 ans.

» En Chine, on réussit pour la première fois à synthétiser l'insuline.

Pour joindre notre chroniqueur : alain.raymondlapresse.ca