«Les Amerloques se sont bien foutus de la chancelière», «un grave coup aux relations germano-américaines»: la volte-face de General Motors, qui a finalement décidé de garder Opel, scandalisait jeudi la plupart des commentateurs allemands alors que les salariés se mobilisaient.

L'ensemble de la presse fustigeait le revirement du constructeur automobile américain. Il y a moins de deux mois pourtant, il avait affirmé se rallier à la position défendue par Angela Merkel: une vente d'Opel à l'équipementier canadien Magna, adossé à la banque russe Sberbank.

 

Jeudi matin, des milliers de salariés d'Opel étaient rassemblés devant le siège du constructeur à Rüsselsheim, dans l'ouest de l'Allemagne, pour protester contre la décision de GM. Quelque 10 000 personnes étaient attendues, sans compter les manifestations prévues devant les autres usines allemandes du groupe.

 

Le feuilleton Opel, qui a connu de nombreux rebondissements depuis un an, est considéré comme stratégique par le gouvernement allemand, soucieux de préserver les 25 000 emplois en jeu en Allemagne.

 

Le 10 septembre, Angela Merkel avait tenu à annoncer elle-même, rayonnante, que la solution qu'elle privilégiait pour sauver le constructeur avait finalement été retenue par GM, une décision considérée alors comme définitive et qui sonnait comme un triomphe personnel pour la chancelière alors en campagne pour sa réélection.

 

Depuis, Mme Merkel a été réélue mais le coup de théâtre venu de Detroit a fait l'effet d'un «coup de tonnerre», selon le Frankfurter Rundschau. «Quelle honte, quel désastre» pour le gouvernement, se désolait le Süddeutsche Zeitung, soulignant que, en changeant d'avis à plusieurs reprises, «les dirigeants de (...) GM ont fait beaucoup de tort aux relations germano-américaines».

 

Que des perdants

 

«Opel, la grande arnaque», s'étrangle Bild, quotidien le plus lu d'Europe avec 3,5 millions de lecteurs. «Il n'y a que des perdants» dans cette affaire, y compris GM «dont la réputation est ruinée», selon le tabloïd qui fustige «les Amerloques». «Plus personne ne fait confiance au groupe américain».

 

Plusieurs quotidiens évoquaient un «chantage» de GM sur les salariés d'Opel, car il les aurait «menacés d'une faillite s'ils s'opposaient à la restructuration» du groupe, qui doit se solder par 10 000 suppressions de postes en Europe, soit 20% des effectifs.

 

Ce chiffre, avancé mercredi soir par le vice-président de GM, John Smith, est sensiblement le même que celui évoqué jusqu'à présent en cas d'acquisition d'Opel par Magna/Sberbank. La différence devrait porter sur la répartition des coupes entre les usines européennes. Plusieurs partenaires de l'Allemagne lui avaient d'ailleurs reproché, à travers la solution Magna, de privilégier les usines allemandes face à celles basées ailleurs en Europe.

Au-delà de la colère contre GM, plusieurs éditorialistes soulignaient toutefois que le gouvernement allemand payait le prix de son entêtement et de son aveuglement. Berlin a «commis de graves erreurs», notamment en misant trop tôt sur une seule solution, juge ainsi le Süddeutsche Zeitung.

 

L'opinion publique allemande s'est enferrée dans une «perception faussée» de la situation d'Opel, l'imaginant à tort compétitive, souligne le Frankfurter Allgemeine Zeitung.

 

Pour l'hebdomadaire Die Zeit, Opel présente de toute façon «un grand risque, quelle que soit l'entreprise qui la contrôlera à l'avenir» car «le marché automobile européen est marqué par de grandes surcapacités. Quand on y regarde de près, l'argent des contribuables serait plus en sécurité partout ailleurs que chez Opel», conclut-il.