Face au scandale de la manipulation du prix de la «voiture préférée» des Allemands et à une réputation profondément ternie, l'influent automobile club allemand ADAC a tenté de réagir en poussant dehors son président. Mais rien n'assure que cela permettra d'éteindre l'incendie.

Peter Meyer, qui s'accrochait à son fauteuil depuis l'éclatement de l'affaire mi-janvier, a fini par démissionner lundi. Il a été poussé vers la sortie par le comité directeur de la puissante association, plus gros automobile club d'Europe avec 19 millions de membres. Ce dernier venait de lancer une procédure de suspension à son encontre.

Il s'agit de la deuxième victime collatérale d'un scandale qui marque la plus grave crise traversée par le club, fondé en 1903.

La première est Michael Ramstetter, directeur de la communication et rédacteur en chef du journal ADAC Motorwelt destiné aux adhérents, qui a quitté ses fonctions après avoir admis avoir enjolivé les chiffres du vote des lecteurs pour désigner la voiture la plus appréciée dans le pays en 2014.

«L'ange jaune», ainsi baptisé en référence aux couleurs de l'automobile-club (jaune et noir), avait été décerné à la Golf 7 de Volkswagen.

L'émoi en Allemagne a encore grandi quand la direction de l'ADAC, qui affirme n'avoir pas eu connaissance avant de ces agissements, a déclaré que les neuf précédentes éditions du prix avaient a priori fait l'objet des mêmes manipulations.

Une enquête menée à la demande du club par le cabinet d'audit Deloitte a confirmé lundi la tricherie pour 2014. Si la Golf arrive malgré tout en première position, la deuxième place revient à la série 3 de BMW et non à l'A3 d'Audi. Et des indices laissent à penser que ce n'était pas la première fois.

Cette conclusion a scellé le sort de M. Meyer, depuis 2001 à la tête de l'ADAC, institution jusqu'ici très respectée.

D'autant qu'une pluie de reproches supplémentaires s'est abattue sur le club, accusé dans la presse d'avoir utilisé ses hélicoptères de secours pour les déplacements professionnels de ses dirigeants, d'avoir encouragé la vente abusive de batteries lors des dépannages ou encore d'avoir trafiqué ses tests de pneus.

Une réorganisation en profondeur est urgente

Le départ de Peter Meyer était donc inévitable. En claquant la porte, celui-ci a expliqué ne plus vouloir continuer à porter seul la responsabilité dans la manipulation de l'«ange jaune».

Horst Seehofer, président du parti conservateur bavarois CSU, y voit «une conséquence respectable», signal d'un nouveau départ pour l'ADAC. Le président social-démocrate de la commission des transports au Bundestag, Martin Burkert, parle lui d'une «chance» pour l'association de se réorganiser.

Car beaucoup reste à faire pour réhabiliter l'image écornée de l'institution, qui regroupe sous le statut d'association un puissant lobby censé représenter les intérêts des automobilistes et une entreprise de 8200 salariés, reconnue pour ses services de dépannage, ses offres d'assurances ou encore de location de voitures.

Sa revue ADAC Motorwelt, qui mène de nombreux tests et passe au banc d'essai les nouveaux modèles, est très influente dans la branche automobile, et ses recommandations sont très suivies par les consommateurs

Le départ de M. Meyer «ne va pas être suffisant à lui seul», a prévenu le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas. Il réclame plus de transparence et une modification en profondeur de l'organisation.

«On doit faire disparaître un à un tous les conflits d'intérêts qui existent», estime l'expert automobile Ferdinand Dudenhöffer, interrogé par l'AFP. «On ne peut pas en même temps tester les pneus et en vendre», ajoute-t-il. Il préconise également le départ du numéro deux de l'ADAC, Karl Obermair.

Le club doit d'urgence se réinventer, et «le plus tôt sera le mieux», avertit-il.

De peur d'être éclaboussés par cette affaire, les constructeurs automobiles allemands Volkswagen, Porsche, BMW et Daimler (Mercedes) ont décidé en choeur lundi de rendre à l'ADAC toutes les statuettes qu'elle leur avait accordées pour la voiture de l'année.