L'affaire d'espionnage présumé qui a ébranlé Renault depuis deux mois a abouti dimanche à la mise en examen pour «escroquerie en bande organisée» d'un responsable de la sécurité du constructeur automobile et à son placement en détention.

Entendu depuis 48 heures par les policiers de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Dominique Gevrey, un responsable sécurité à l'origine des accusations d'espionnage qui ont abouti au licenciement de trois cadres début janvier, a été mis en examen dimanche soir par un juge d'instruction.

M. Gevrey, interpellé vendredi alors qu'il s'apprêtait à prendre un avion pour la Guinée, a été dans la foulée placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet.

Deux autres responsables de la sécurité du constructeur automobile, eux aussi interpellés vendredi et samedi, ont pour leur part été remis en liberté, sans charge retenue à ce stade contre eux.

«Dans le cadre de la plainte de Renault sur les soupçons d'espionnage, les enquêteurs ont rassemblé un certain nombre d'éléments qui laissent penser que nous sommes en présence de faits d'escroquerie», a-t-on commenté de source judiciaire, sans fournir plus de détails.

«On s'abstient de faire tout commentaire pour ne pas troubler le cours de la justice», a déclaré à l'AFP Me Jean Reinhart, l'avocat de Renault. «Nous communiquerons de façon globale et complète après le parquet, probablement lundi après-midi», a-t-il ajouté.

M. Gevrey, ancien militaire de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), aurait été en contact avec une «source», rémunérée à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros, à l'origine des accusations contre les trois cadres. Il a toujours refusé d'en révéler le nom.

Pour porter ses accusations, le groupe s'est appuyé sur les numéros de trois comptes bancaires qui lui ont été fournis. L'un aurait notamment été ouvert en mars 2009 en Suisse alimenté avec de l'argent provenant d'un cabinet d'audit chypriote, et un deuxième au Liechtenstein en février 2010 qui alimenterait un troisième compte.

Mais une source proche du dossier avait révélé la semaine dernière à l'AFP que les enquêteurs de la DCRI n'avaient trouvé «aucune trace» de comptes bancaires au nom des cadres ni «aucune trace d'espionnage».

Environ 250 000 euros (environ 340 000 dollars canadiens) ont été versés à l'informateur anonyme de Renault, selon l'avocat du constructeur. La somme a transité par un enquêteur privé qui faisait office d'intermédiaire entre le service de sécurité de Renault et l'informateur censé avoir donné corps aux soupçons d'espionnage. La DCRI n'excluait pas vendredi d'entendre également «rapidement» l'intermédiaire.

Après avoir crié à l'espionnage, la direction de Renault évoque désormais la thèse d'une «manipulation» dans cette affaire qui a conduit au licenciement de trois de ses cadres spécialisés dans les voitures électriques. Le numéro 2 du constructeur, Patrick Pélata, a récemment prévenu qu'après la fin de l'enquête «toutes les conséquences» seraient tirées au plus haut niveau de l'entreprise.