Lincoln a un temps perdu le contact avec sa clientèle, friande de luxe, de design à l'américaine et de rapport prix-prestations aiguisé. En ne proposant que d'anonymes boîtes à rouler, la marque américaine a perdu son identité.

La résurrection s'appelle MKS où sont réhabilitées les valeurs de la marque et l'expertise en design du visionnaire Peter Horbury. La marque américaine en pleine convalescence entend ainsi faire mentir les analystes qui la condamnaient hier.

Pas de miracle. Pour sortir Lincoln de l'ornière, il faut une vision, une bonne stratégie, des produits séduisants. Depuis trop longtemps, la marque s'était noyée dans une diversification hasardeuse, après avoir pourtant été un rude challenger pour Cadillac.

Aujourd'hui, le moindre soubresaut de Lincoln est ressenti comme un miracle. Il y a de quoi, car la marque a, ces dernières années, fait de beaux discours sans jamais tenir promesse. Avec la MKS, les actionnaires de Lincoln (Ford) vont-ils pouvoir se renflouer?

Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, mais les premiers rapports de ventes publiés par l'industrie soulageront sans doute les dirigeants de cette auguste marque américaine. Aux yeux, pardon aux phares, de ses principales cibles avouées - les RL (Acura), S80 (Volvo), GS (Lexus), STS et DTS (Cadillac) - la MKS prend la forme d'un véritable rouleau compresseur. Mais si Lincoln connaît un départ encourageant, attendons de voir si elle sera en mesure de tenir le rythme pendant une année complète et, du coup, d'inquiéter les ES (Lexus) et autres grandes bagnoles allemandes qui dominent ce segment de la tête aux épaules.

Physiquement, la MKS s'enveloppe d'une carrosserie qui la fait paraître plus svelte qu'elle ne l'est réellement. Sans être aussi longue qu'une Town Car dont elle assure indirectement la descendance, la MKS fait plus de 5 mètres de long et pose près de deux tonnes sur la chaussée. Cette longue et massive carrosserie repose, de série, sur une monte pneumatique de 18 pouces, mais le catalogue d'options permet d'accroître la circonférence d'un pouce ou deux si le coeur vous en dit.

Une fois n'est pas coutume, les généreuses dimensions extérieures ont d'heureuses répercussions à l'intérieur, avec cinq places spacieuses et confortables. Aisément accessibles, les places arrière sont presque aussi spacieuses que celles d'une limousine. Et il n'y a pas que vos invités qui se sentiront à l'aise. Vous aussi. Les larges baquets avant procurent une assise confortable à défaut d'offrir un maintien latéral digne de ce nom. Quant au coffre, il figure assurément parmi les plus logeables de sa catégorie. Les plus chatouilleux lui reprocheront toutefois son ouverture somme toute assez étroite pour un véhicule de ce gabarit.

Par contre, ces accessoires et autres babioles indispensables à la vie quotidienne (disques compacts, téléphone portable, monnaie, etc.) ne trouveront hélas pas tous une place à bord, faute de rangement. L'accoudoir et la boîte à gants ont un faible gabarit, tout comme les réceptacles taillés dans les contre-portes. Et ce n'est pas le seul impair. On se trouve également à maudire les jours où les rayons du soleil voilent toutes l'information que donne l'écran GPS en raison de son positionnement, là, au haut de la console centrale.

Le chic de cette berline américaine se perçoit d'abord et avant tout dans la qualité de sa costruction. Les assemblages frisent la perfection et les plastiques (grain et texture) sont d'une très belle facture. Rien à redire non plus sur l'ergonomie des commandes. Elles sont toutes aisément reconnaissables et accessibles.

Le juste compromis?

Côté «boulons rondelles», la MKS n'est pas issue - mais cela, vous vous en doutiez déjà - d'une feuille complètement blanche. En effet, à la base de son arbre généalogique, on trouve des parcelles d'une architecture née à Gutenberg, lieu de naissance des Volvo.

Ce n'est pas la première fois que Ford fait usage de cette plateforme. Elle sert aussi aux actuelles Taurus et Flex. Cela dit, les ingénieurs de la MKS ont veillé à la «lincolniser» ou, si vous préférez, à donner à l'ensemble la souplesse et le confort propres à la marque américaine. Nous vous rassurons tout de suite, la MKS ne se conduit pas, comme son aïeule la Town Car, comme une embarcation privée de gouvernail. Loin de là. Les aficionados de la marque ne manqueront pas de relever la gravité de la direction sur les routes sinueuses ou dans les manoeuvres à basse vitesse. D'autant plus que la MKS est loin d'être un modèle d'agilité dans la mesure où son fort diamètre de braquage oblige de s'y reprendre deux ou trois fois avant de la glisser dans un espace restreint.

Une fois la lourdeur de la direction assimilée, on note à quel point le poids de cette berline la prive de toutes aspirations sportives. Ses nombreuses aides à la conduite sont chatouilleuses et débarquent en force pour s'assurer que la MKS ne dévie en aucun moment de sa trajectoire.

Les mouvements de caisse sont peu nombreux, mais les changements de trajectoire manquent de souplesse et de fluidité. Malgré des éléments suspenseurs qui réalisent un bon compromis entre confort et tenue de route, cette Lincoln déteste se faire brusquer, comme en fait foi sa propension au sous-virage, surtout si vous avez omis de retenir les services du rouage intégral.

Grâce à un montage inédit de la suspension arrière (les amortisseurs sont montés à la verticale et repoussés vers l'extérieur des montants) et à l'usage de coussinets plus souples, la MKS se révèle, sur une route endommagée, moins sonore que la S80 de Volvo. De plus, la course accrue des amortisseurs et la plus grande souplesse des ressorts assurent un confort de roulement supérieur à la suédoise.

Le poids (encore lui!) a des répercussions néfastes sur le pauvre V63,7 litres chargé d'animer cette berline. Malgré toute sa bonne volonté - et celle de la boîte automatique à six rapports -, ce moteur manque de vivacité à l'attaque et ne peut faire mieux que huit secondes et des poussières pour amener cette Lincoln à la vitesse autorisée sur nos voies rapides après un départ arrêté. Les reprises sont un brin plus convaincantes grâce à l'étagement de la boîte, mais cette Lincoln ne sera jamais en mesure d'illuminer la concurrence de ses feux arrière. À moins bien sûr de s'élancer avant que le feu passe au vert. Chose certaine, le V6 EcoBoost attendu au cours de la prochaine année fera le plus grand bien à cette Lincoln. Suralimentée à l'aide d'un turbocompresseur, cette mécanique promet des performances nettement supérieures (puissance estimée à 340 chevaux), sans véritablement consommer davantage.

En résumé, la MKS mérite sa place parmi le beau linge de l'industrie. Elle ne casse peut être rien, et n'incitera pas la concurrence à retourner à sa table à dessin, mais elle se révèle compétente, sûre et confortable. Ses chances de succès auraient sans doute été meilleures encore si le prix avait été plus savamment calculé (surtout en tenant compte des trop nombreuses - et coûteuses - options) et si le V6 EcoBoost avait été inscrit au catalogue dès la mise en service de ce véhicule. Chose certaine, le constructeur américain a retrouvé l'appétit. La meilleure preuve, c'est qu'il poursuit à vitesse accélérée le renouvellement de sa gamme. Certains analystes feront sans doute la fine bouche et signaleront à juste titre qu'un seul modèle au zénith ne fait pas le printemps. Qu'ils patientent encore un peu, ce n'est qu'un début. Lincoln refait surface.

On aime

Habitacle spacieux

Finition exemplaire

Disponibilité d'un rouage intégral et prochainement d'un moteur suralimenté

On aime moins

Performances du 3,7 litres

Poids et encombrement

Aides à la conduite chatouilleux

Ce qu'il faut retenir

Fourchette de prix : 45 559$ à 47 799$

Frais de transport et de préparation : 1300 $

Consommation moyenne obtenue au cours de l'essai : 12,9 L/100 km

Concurrentes : Hyundai Genesis, Lexus ES, Volvo S80

Pour en savoir plus : www.ford.ca

Moteur : V6 DACT 3,7 litres

Puissance : 273 ch à 6250 tr/mn

Temps de recharge complet : 270 lb-pi à 4250 tr/mn

Poids : 1940 kg

Rapport poids/puissance : 7,1 kg/ch

Accélération 0-100 km/h : 8,35 secondes

Mode : intégral (quatre roues motrices)

Transmission de série : automatique à six rapports

Transmission optionnelle : aucune

Direction/diamètre de braquage : crémaillère/12,1 mètres

Freins avant/arrière : disque/disque

Pneus : 235/55R18

Capacité du réservoir de carburant/carburant recommandé: 66 litres/ordinaire