General Motors, dont c'est le 100e anniversaire demain, a maintes fois frôlé l'abîme, revenant toujours après coup sur le droit chemin de la prospérité. En sera-t-il de même cette fois encore? On n'en sait trop rien, mais bonne fête quand même!

Après Mercedes, Peugeot, Ford et Fiat, c'est au tour de General Motors (GM) d'entrer dans le club des constructeurs automobiles centenaires. En effet, c'est en 1908 que William Crapo Durant, propriétaire de Buick, réunit sous la même ombrelle plusieurs petites sociétés automobiles de la région de Detroit: Oldsmobile, Oakland (Pontiac), Cadillac et Buick. De quoi riposter au groupe d'Henry Ford, qui s'apprêtait à engager une révolution majeure avec une nouvelle organisation du travail et son fameux modèle T. On connaît la suite et les difficultés auxquelles fait face actuellement le géant de l'auto américaine.

Le «vrai» anniversaire de GM aura donc lieu demain. Il aurait très bien pu être célébré il y a neuf ans puisque les origines de sa principale division européenne, Opel, remontent à 1899. Mais cela aurait sans doute été inconvenant aux yeux des Américains. Dommage car, en 1999, il aurait sans doute été plus facile de masquer l'ampleur de la crise qui secoue celui qui jadis régnait sans partage sur le monde de l'automobile.

Pourtant, à Motor City, personne n'ose encore imaginer que GM ne se relèvera pas - encore une fois - de ses erreurs stratégiques, de la hausse du prix du pétrole et des fortes restrictions de crédit à cause de son lourd endettement. Ne gâchons pas la fête et balayons sous les roues les difficultés des derniers exercices ou encore les demandes répétées de GM pour obtenir l'aide du gouvernement américain.

Après tout, ce n'est pas la première fois que GM est au bord du gouffre. Le groupe a connu pire situation dans le passé. Notamment en 1910, deux ans après sa création, lorsque des banquiers ont été contraints de prendre le contrôle de la compagnie pour lui éviter la faillite, mettant du même coup le fondateur William Durant à la porte.

De même, le choc pétrolier de 1973, qui a révélé aux Américains l'existence des petites et fiables voitures japonaises, a salement secoué le colosse de Detroit.

Sans oublier bien sûr les pertes financières de l'année 1991, qui ont entraîné la fermeture de 21 usines nord-américaines et la suppression de 75 000 emplois. Une crise terrible que, peu de temps auparavant, Michael Moore avait décrite dans son documentaire Roger&Me (1989). Roger Smith était le patron de GM à l'époque.

Contrairement à Roger Smith, qui s'était lancé dans de très coûteuses diversifications pour faire de General Motors un colosse technologique (les satellites de Hughes, l'électronique avec EDS, les locomotives Diesel, etc.), Rick Wagoner se concentre, avec hésitation parfois, sur son premier métier mais cela ne l'empêche pas de commettre plusieurs erreurs. Comment expliquer en effet le maintien de la marque Saturn, créée en 1990 et déficitaire pratiquement chaque année? Comment justifier son acharnement à engloutir de l'argent dans des marques comme Pontiac ou Buick, totalement dépassées dans le contexte actuel? Comment défendre sa manie de fusions-acquisitions sans lendemain ou ces 16 milliards engloutis au cours des neuf dernières années dans des mariages désastreux comme celui qui a été abandonné avec Fiat?

 

GM a eu beau embaucher Bob Lutz, le «je-sais-tout-de-l'automobile», il manque à ses modèles l'image qui vous ferait oublier de regarder le prix sur le pare-brise. Le grand public préfère des importations qui se vendent pourtant sans ristourne ou promotions tapageuses.

Trois malheureuses lettres

L'ennui avec GM (et Ford, et Chrysler) aura été de voir fondre ses parts de marché à un rythme inversement proportionnel à son entêtement à mettre sur le marché des véhicules à fortes émissions de CO2. L'erreur compte trois lettres: VUS (véhicule utilitaire sport), ces 4x4 gloutons dont les Américains ne pouvaient apparemment pas se passer. Ils représentaient il y a peu de temps encore 56% des ventes de GM. Du pain bénit pour l'entreprise et ses concessionnaires, dont les marges sur ces véhicules sont très juteuses.

Tout en satisfaisant l'appétit du public à cette période, GM aurait pu anticiper, se préparer à un avenir où le pétrole à 49 cents le litre ne serait plus qu'un souvenir. Au contraire: l'entreprise a mené un inlassable lobby au Congrès, à coups de millions de dollars, pour éviter à tout prix un durcissement des règles sur la consommation d'essence. Une fuite en avant irresponsable et scandaleuse, qui se paie aujourd'hui très cher.

Pourtant, GM avait amorcé publiquement le virage vert bien avant Honda et Toyota en commercialisant l'EV1. Le groupe a investi plus de 1 milliard de dollars dans cette voiture purement électrique qui sera vendue à... 700 exemplaires. Dégoûtés, les dirigeants accrochent les clés à la fin de la décennie et jurent qu'on ne les y reprendra plus, juste au moment où Toyota lance sa Prius, une voiture hybride essence-électricité bénéficiant de la même autonomie qu'une automobile «normale».

Avec l'expérience de l'EV1, GM aurait facilement pu faire au moins jeu égal avec Toyota et Honda. Au lieu de cela, le groupe se contente de promettre un avenir radieux mais lointain, peuplé de voitures circulant sans essence. En 2003, un porte-parole se moque même de ces hybrides qui ne font «absolument rien» pour réduire la consommation d'essence des Américains. Aujourd'hui, plus personne ne rit ni ne se moque: GM redouble d'efforts, augmente son offre d'hybrides et mise beaucoup sur la Volt, une voiture électrique révolutionnaire qui fera son entrée sur le marché en 2010. Vaut mieux tard...