Le taxi londonien est aussi «British» que le chapeau melon, la reine ou encore Big Ben. Mais il est peu probable que les derniers modèles qui sortiront de la ligne d'assemblage de Fengjing, dans la banlieue de Shanghaï, circulent un jour dans les rues de la capitale britannique...

Dans l'usine Shanghaï Maple de Fengjing, une véritable fourmilière s'active depuis la fin du mois d'août. Les ouvriers chinois ont lancé les premiers essais de production du modèle TX4 du célèbre taxi noir, équipé d'un moteur Mitsubishi de 2,4 litres. D'ici mi-décembre, la production à grande échelle devrait débuter.

London Taxi International (LTI), qui continuera à construire neuf «cabs» sur dix encore utilisés en Grande-Bretagne dans son usine de Conventry, n'était pas en mesure d'augmenter sa production. Le fabricant s'est donc choisi un partenaire, en l'occurrence la Chine, pour offrir au véhicule une présence plus importante à l'étranger.

«On irait un peu loin en disant que l'issue était inéluctable, mais il est nécessaire de progresser au sein de l'industrie automobile», observe Paul Stowe, chargé de superviser la joint venture entre le propriétaire britannique de LTI, Manganese Bronze Holdings PLC, et Geely Group Holdings, un des plus importants fabricants automobiles indépendants du marché chinois.

Selon lui, ce partenariat commence déjà à porter ses fruits. Des accords ont été conclus pour la vente de 6.000 taxis qui seront fabriqués par l'usine chinoise, soit deux fois plus que la production annuelle de Conventry. Mais les habitants de Shanghaï ne devraient pas en croiser beaucoup dans les rues de leur ville: la plupart seront exportés à l'étranger, notamment Singapour, Dubaï ou Moscou.

L'emblématique véhicule ne remplacera pas non plus les autres taxis chinois, compte tenu de son prix élevé et de l'influence importante des grands constructeurs auprès des compagnies de taxis. LTI espère les vendre à des hôtels, services de limousine, aéroports et collectionneurs, souligne Paul Stowe, directeur général adjoint de Shanghaï LTI Automobile.

Manganese Bronze Holdings cherchait depuis près de dix ans un partenaire chinois convenable. De son côté, Geely attendait une opportunité pour acquérir la qualité et les nouvelles technologies nécessaires à son expansion dans un marché très compétitif, sans risquer d'être englouti par un rival.

Dans le cadre de l'accord, d'un montant de 53 millions de livres sterling (95 millions de dollars, 65 millions d'euros), la partie chinoise détiendra 52% de la joint venture, ainsi que 23% de Manganese Bronze Holdings. Le partenaire britannique possèdera 48% des parts et le droit de vendre les véhicules dans le reste du monde.

En augmentant sa production, LTI espère réduire ses coûts de plus de 60%, grâce à des économies réalisées, non sur la main d'oeuvre, mais avec des pièces moins coûteuses. Le prix du taxi n'a pas été dévoilé, mais il devrait être beaucoup moins élevé que celui du «cab» londonien, d'environ 30 000 livres sterling (54 000 dollars, 37 000 euros), explique Paul Stowe. «Une icône classique britannique avec l'esprit traditionnel chinois», comme le dit un de ses slogans.

Contrairement aux usines modernes, largement automatisées, celle de Fengjing a peu de robots, le taxi londonien étant fabriqué et soudé à la main. Le résultat? Un véhicule robuste, résistant, qui pourra être utilisé pendant plusieurs dizaines d'années. Sans oublier ses particularités traditionnelles, comme sa capacité à prendre des virages extrêmement serrés et l'important espace de stockage situé près du siège du conducteur, autrefois utilisé pour transporter le foin...

Les taxis noirs, qui ne le sont plus guère de nos jours tant la publicité a envahi leur carrosserie, sont désormais perçus comme un simple véhicule commercial en Grande-Bretagne. Mais en Chine, sa notoriété lui apporte un certain cachet. «C'est plutôt cool de voir un véhicule britannique circuler dans les rues de Shanghaï, comme dans une scène de film», observe Xu Bin, spécialiste des tendances automobiles pour le magazine local Metropolis.