Bruce Simmons-Morton est psychologue à l'Institut national de santé de l'enfant, à Washington. Depuis plusieurs années, il se penche sur le mystère de la piètre participation des parents à l'éducation à la conduite automobile.

Bruce Simmons-Morton est psychologue à l'Institut national de santé de l'enfant, à Washington. Depuis plusieurs années, il se penche sur le mystère de la piètre participation des parents à l'éducation à la conduite automobile.

«De nombreuses études montrent que les parents qui s'en occupent réduisent le risque d'accident de leurs enfants, explique M. Simmons-Morton, joint au Maryland. Les accidents de la route sont la première cause de décès chez les 16-19 ans. Et pourtant, cela passe 100 pieds au-dessus de la tête de la plupart des parents. Par exemple, moins du tiers considèrent que voyager avec deux ou trois passagers du même âge est une situation risquée, alors que chaque passager adolescent double le risque d'accident.»

Depuis 2003, un programme d'implication parentale, Checkpoints, est testé dans une dizaine de villes. «Selon les résultats préliminaires, les jeunes qui passent par Checkpoints courent moins de risques, dit M. Simmons-Morton. Et nous améliorons sans cesse le programme. Il y a maintenant des visites personnalisées d'intervenants au domicile familial, au lieu d'un simple dépliant. Et nous avons commencé à faire participer les parents aux leçons de conduite. De manière surprenante, les jeunes regimbent rarement. Ce sont les parents qui sont mal à l'aise.»

C'est un signe de l'ambivalence parentale, croit M. Simmons-Morton. «Les parents s'inquiètent du risque d'accident, mais en même temps ils sont fiers de voir leurs enfants entrer dans l'âge adulte, devenir indépendants. Ils sont souvent soulagés de ne plus avoir à faire le taxi. Et il faut se souvenir que les liens parent-enfant sont souvent très fragiles à l'adolescence: les parents ont l'impression que s'ils leur refusent le privilège de la conduite, leurs enfants vont s'éloigner d'eux.»

La conduite est une activité qui dépend moins de l'habileté que du jugement. «Pour avoir une conduite sûre, il faut avoir des milliers de kilomètres dans le corps, dit M. Simmons-Morton. Il est certain que le goût du risque et l'influence des amis accroît le risque. Mais en premier lieu, les adolescents ont des accidents parce qu'ils ne sont pas habitués au volant, particulièrement dans des situations difficiles comme la nuit, le mauvais temps, la fatigue ou l'intoxication. Les parents peuvent aider à corriger les erreurs de jugement.»

Depuis quelques années, les programmes de permis restreint ont permis de faire chuter de 42% le taux d'accident chez les jeunes de 16 ans aux États-Unis. Mais le taux d'accident n'a chuté que de 15% chez les 18 ans, selon une étude dévoilée le mois dernier à la conférence de l'Association de sécurité routière des gouverneurs à Portland.

«C'est un signe que l'étape suivante relève des parents, dit M. Simmons-Morton. L'État peut limiter le risque lors des premiers pas derrière le volant. Mais à un certain point, il faut que l'adolescent développe son propre jugement.»

L'alcool au volant chez les jeunes

Plusieurs études américaines ont montré que l'âge légal d'accès à l'alcool a une incidence importante sur les accidents routiers chez les jeunes, selon Bruce Simons-Morton.

Si on compare les statistiques québécoises et ontariennes (l'âge légal est de 19 ans en Ontario, et il est davantage respecté qu'au Québec), cette équation semble se confirmer. Les jeunes Québécois font presque 50% plus d'accidents que leurs congénères ontariens.

La comparaison prend tout son sens si on vérifie ce qu'il en est par la suite: la situation s'inverse et le Québec a un taux d'accident moindre que l'Ontario. Chez les 35-44 ans, par exemple, le taux québécois variait entre 39 et 43 par 1000 titulaires de permis, contre 47 à 51 en Ontario.