C'est officiel, il faudra d'ici peu s'acquitter d'un péage pour circuler. Une bonne nouvelle si vous voulez mon avis à la condition que les sommes prélevées aillent directement à la construction de nouveaux axes et à la réfection des routes actuelles. Si tel est le dessein du gouvernement Charest, je suis favorable, comme 52% de la population québécoise (1), au retour du péage.

C'est officiel, il faudra d'ici peu s'acquitter d'un péage pour circuler. Une bonne nouvelle si vous voulez mon avis à la condition que les sommes prélevées aillent directement à la construction de nouveaux axes et à la réfection des routes actuelles. Si tel est le dessein du gouvernement Charest, je suis favorable, comme 52% de la population québécoise (1), au retour du péage.

Actuellement la gratuité des routes est financée par l'impôt. Il s'agit donc de savoir non pas si les routes ont un coût - elles en ont un - mais si l'on change leur mode de financement, en faisant appel non plus aux contribuables, mais aux usagers. Pourquoi pas, même si la pilule sera difficile à faire avaler. En effet, plusieurs automobilistes estiment qu'ils financent «suffisamment» le réseau routier du moment qu'ils mettent de l'essence dans le réservoir de leur bagnole ou qu'ils acquittent les frais imposés par la SAAQ (immatriculations et permis de conduire). Dans ce contexte, ne vous étonnez pas d'apprendre que rares sont ceux qui se posent la question de la facture globale des embouteillages et de la pollution automobile.

L'impôt n'est plus forcément la bonne solution. D'abord, parce que le Québec souffre déjà d'une fiscalité très élevée. Ensuite, parce que l'argument selon lequel la fiscalité est plus juste que le péage se discute. Quand un camion américain, ontarien ou terre-neuvien utilise nos routes sans rien payer, est-ce vraiment juste? À cet argument s'en ajoute un autre: la solidarité par l'impôt comporte un risque, celui de la déresponsabilisation. À mon sens, il est juste et bon que l'usager assume les conséquences de ses actes. Et prenne conscience que nous vivons au 21e siècle. Nous sommes condamnés à revoir notre modèle de déplacements. L'État n'a plus les moyens de financer l'entretien et le développement du réseau routier; la congestion automobile ne cesse de croître et la pollution demeure encore trop élevée malgré les améliorations de nos véhicules et la sécurité de nos déplacements est menacée. La route libre et gratuite est dans le contexte actuel impossible.

Je sais, certains d'entre vous ne partageront pas cet avis. Pour eux, la libre circulation est un droit fondamental et un puissant levier de développement économique. Ils voient d'un très mauvais oeil de la limiter par des péages. D'accord, mais qui va payer? D'autres opposants à ce projet gouvernemental iront sans doute dire que le péage sera un facteur d'inégalité sociale, qu'il favorisera les riches au détriment des «pauvres». Considérant le manque d'efficacité actuel de notre transport en commun, c'est en partie vrai. Mais la fluidité du trafic, recherchée par le modèle de péage, peut également jouer en faveur des personnes moins nanties: car en cas de retards dus aux embouteillages, la sanction est sans doute plus impitoyable selon que l'on soit ouvrier ou président.

En faisant preuve d'un peu de créativité (peut-on avoir confiance en nos élus dans ce domaine?), les péages électroniques permettront d'instaurer des tarifs différents en fonction des horaires et donc de réguler le tarif, mais aussi de réserver une ou plusieurs voies à certains types de véhicules ou d'instaurer la gratuité pour le covoiturage par exemple.

Toutefois, soyez assurés que le péage routier, même le plus sophistiqué qui soit, ne résoudra rien s'il ne s'inscrit pas dans une politique globale de la mobilité, qui inclut la voiture, en régulant encore davantage son usage, sans doute, mais sans l'exclure. Car il est illusoire de croire qu'elle ne constituera plus, même à moyen terme, un pilier essentiel du rapport des citoyens à leur propre liberté de mouvement. Et pour parvenir au seuil au-delà duquel le transport public prendra le dessus de manière décisive, des milliards d'investissements et un bataillon de propositions politiquement recevables seront nécessaires. Les défis qui nous sont posés nous amènerons inévitablement à modifier dramatiquement nos habitudes sociétales actuelles. Et ça, nous le savons déjà, ce ne sera pas facile.

(1) Selon un sondage récent de l'Institut Économique de Montréal

COURRIEL Pour joindre notre chroniqueur: eric.lefrancois@lapresse.ca