«Les gars disent : Hé, elle est mignonne. Vous devez vous protéger contre cette perception», déclare M. Geren, âgé de 40 ans. Ce genre de commentaire est formulé autant par les homosexuels que par les hétéros.

«Les gars disent : Hé, elle est mignonne. Vous devez vous protéger contre cette perception», déclare M. Geren, âgé de 40 ans. Ce genre de commentaire est formulé autant par les homosexuels que par les hétéros.

Il y a quelques années, Meghan Daum, contributrice à la page d'opinions du Los Angeles Times, a écrit une chronique au sujet d'une première sortie avortée avec un homme : le gars avait noté qu'elle conduisait un Outback de Subaru et conclu qu'elle devait être lesbienne...

Et quand Joe LaMuraglia, fondateur de Gaywheels.com, un site web international du genre Autoweb.com, a informé son compagnon qu'il avait l'intention d'acheter une décapotable Mini Cooper, ce dernier a déclaré en blague qu'il n'y embarquerait pas parce que le couple «aurait l'air d'un cliché gai».

Les voitures, en principe, sont aussi neutres sur le plan sexuel que les cellulaires, les chaises de bureau ou les herbicides. Cependant, au cours des dernières années, ce truisme n'a pas empêché nombre d'automobilistes d'associer certaines voitures à l'orientation sexuelle de leur conducteur.

Au moment où les constructeurs s'attaquent agressivement au marché gai et que le grand public est davantage sensibilisé aux stéréotypes gais par l'entremise d'émissions de télé comme Will & Grace et The L Word (où l'une des vedettes conduit une Mini Cooper), il ne faut peut-être pas se surprendre que certaines personnes tirent des conclusions sur une marque de voiture.

De fait, les étalages extravagants de bolides machos et de designs féminins au récent Salon international de l'auto de New York semblent faire appel à une déconstruction en fonction de l'identité sexuelle.

Certains voient dans ces stéréotypes une manifestation d'homophobie, purement et simplement. Un sondage entrepris par un site web sud-africain pour identifier l'automobile la plus gaie a suscité une vive discussion en décembre dernier sur Gizmodo, un blogue technologique de New York : «Depuis quand les voitures sont-elles gaies ou hétéros? demande un lecteur. Ce que nous sondons ici, ce sont les préjugés des gens.»

Selon des théoriciens gais, cependant, plusieurs conducteurs gais voient effectivement dans certaines voitures un reflet de leur identité, et y souscrivent volontiers.

«Les gens supposent que vous voudrez vous débarrasser des stéréotypes», opine Judith Halberstam, lesbienne et professeure d'études de genre à l'Université Southern California. Elle conduit une Mazda3 noire à hayon qu'elle considère «butch». Mais, dit-elle, «si vous êtes une femme masculine, vous pourriez apprécier cette voiture. La capacité de réparer votre camionnette ou de conduire une Mustang 68 pourrait vous emballer .»

«Ce ne sont pas tous les gais qui veulent présenter une image normative», ajoute-t-elle.

Ramone Johnson, journaliste gai et ancien ingénieur chez Saturn, compile un palmarès des 10 véhicules les plus gais pour About.com, une société appartenant au New York Times. «Traditionnellement, nous avons été habitués à nous voir définis par d'autres, déclare M. Johnson. Conduire une voiture mode peut nous permettre de reprendre le contrôle et de dire : Voici qui je suis.»

Selon M. Johnson, les «lignes douces» et une «personnalité vibrante» - comme celles de la New Beetle - comptent parmi les attributs de la voiture d'un homme gai. Des indicateurs tendance rouges et d'autres indices de style font de la Pontiac G6 une voiture plus gaie que sa proche parente, la Grand Am, parce que ses caractéristiques expriment un appétit pour la liberté et le plaisir.

Ni les constructeurs automobiles ni les concessionnaires ne compilent de statistiques sur l'orientation sexuelle des acheteurs.

Aux dires de Frank Markus, lui-même gai et directeur technique du magazine Motor Trend, les constructeurs automobiles ont tendance à associer aux consommateurs gais des revenus disponibles plus élevés étant donné qu'ils ont moins d'enfants (une des raisons pour lesquelles plusieurs d'entre eux sont libres d'opter pour une voiture moins pratique, à deux sièges, ou décapotable). Quand l'American Family Association, un groupe chrétien conservateur, a pressé Ford de retirer ses publicités de publications gaies comme The Advocate, en 2005, il s'agissait d'annonces de Land Rover et Jaguar, deux marques haut de gamme appartenant à Ford.

Subaru a, plus que tout autre parmi les grands constructeurs, embrassé le marché gai. Déjà, en 2000, Subaru lançait une campagne publicitaire axée sur Martina Navratilova, vedette lesbienne du tennis, avec un slogan qui contenait un message subtil de défense des droits des gais : «Ce n'est pas une question de choix. Nous sommes faits ainsi.» Pas étonnant que plusieurs lesbiennes appellent leur Outback une «Lesbaru».

Même General Motors a récemment commencé à inclure, sans toutefois les compiler, des questions sur l'orientation sexuelle dans ses sondages internes de marketing, déclare Adam Bernard, surveillant des stratégies de production des concurrents de GM et coordonnateur d'un groupe de défense d'employés gais appelé GM Plus. Depuis 2003, dit-il, le groupe a dialogué avec des cadres de l'entreprise de la possibilité d'augmenter ses ventes à des consommateurs gais.

Sans portrait précis de ses acheteurs de voitures gais, l'entreprise fait tout de même des efforts croissants pour augmenter sa part de marché, en annonçant ses Cadillac, Saturn et Saab dans des publications gaies et sur des sites web comme PlanetOut.com. Les dirigeants de l'entreprise ne semblent pas s'inquiéter de la perte possible de parts de marché chez les hétéros advenant un engouement soudain des gais pour un modèle particulier. «Je pense que nous ne nous sommes jamais posé la question, assure M. Bernard. Si nous publicisons Cadillac dans The Advocate, allons-nous perdre des acheteurs hétéros?»

«Franchement, dit-il, l'argent n'a pas de couleur.»

Selon M. Markus, de Motor Trend, les clichés au sujet des conducteurs gais ont tendance à s'effriter à l'examen, comme celui de l'homme gai des gymnases qui gravite autour des Jeep et des décapotables pour «montrer son corps musclé».